Mailbag QPUL : Montana vs Young

Précision habituelle, sachez que si ce n’est pas pour cette fois ce sera pour la prochaine. Je rappelle que la plupart des règles dictées dans la news d’introduction sautent.

On a quelques questions qui sortent un peu du lot, preuve que les gens n’attendent pas que des réponses techniques/tactiques/historiques. C’est cool, le mailbag n’a pas qu’une vocation à déterrer des détails d’une formation ou l’histoire de la NFL.

Allez, on y va.


Roman : Quels sont les meilleurs joueurs n’ayant pas été draftés ? Erreur de recruteur ou joueurs exceptionnels ? Je pense notamment à des joueurs du genre Antonio Gates.

Pour donner quelques exemples, il y a plusieurs raisons pour lesquelles un joueur fait une carrière professionnel remarquable alors qu’il n’a pas été drafté :

Gates à Kent State
  • Il vient d’une petite université :
    • Tony Romo (Easter Illinois, Division I-AA)
    • Kurt Warner (Northern Iowa, Division I-AA)
    • Rod Smith (Missouri Southern State, Division II)
    • Adam Vinatieri (South Dakota State University, Division II)
  • Il a un désavantage particulier qui donne l’impression qu’il ne sera pas à la hauteur :
    • Marion Motley (black en 1946)
    • Wayne Chrebet & Wes Welker (trop petit pour un WR)
    • John Randle (trop petit pour un DT)
    • Warren Moon (black et trop mobile pour un QB de son époque) 
  • Il vient carrément d’un autre sport :
    • Antonio Gates (basket) 
  • Personne ne le connaissait avant qu’il vienne de lui-même faire un essai :
    • Dick « Night Train » Lane

Et puis on a les plus improbables, ceux qui ont fini au Hall Of Fame : Larry Little, Willie Brown, Willie Wood ou Emlen Tunnell rejoignent les Lane, Randle, Moon et Motley.

Aujourd’hui, les meilleurs joueurs non draftés sont probablement Jeff Saturday, Arian Foster, London FletcherJames Harrison, Jason Peters ou encore Tramon Williams. Victor Cruz ou Miles Austin doivent confirmer pour rejoindre la liste.

La dernière question, bonne pour le bac de philo : est-il plus grave de louper un futur All Pro, ou de drafter un bust ?


Louis : Je crois savoir qu’une équipe est limitée dans son roster. 53, 75 ? Est-elle limitée dans ses postes ? 3 QB, 3 RB, etc au maximum ?

A partir de cette année, les équipes sont limitées à 90 joueurs dans le roster, Y COMPRIS les joueurs non signés (c’est la grande différence avec l’ancienne limite des 80 joueurs des années précédentes). Après le 3e match de pré-saison (celui que les titulaires jouent en général le plus longtemps), le roster doit descendre à 75 joueurs. Après le dernier match et avant le premier match de saison régulière, le roster doit atteindre le fameux chiffre de 53 joueurs. Dernière précision : seuls 46 de ces 53 joueurs peuvent être alignés pour un match.

Enfin il n’y a aucune limite explicite imposée par la ligue pour le nombre de joueurs par poste, uniquement la volonté tout à fait compréhensible des équipes de ne pas se retrouver à poil si un quelconque titulaire finit sur IR :).


Richard : Je suppose qu’on aura jamais ce genre d’informations mais un staff médical peut-il avoir une influence sur la santé/le rétablissement d’une équipe ? Certains sont-ils reconnus meilleurs ou moins bons que d’autres ? Je pense par exemple aux genoux des Chiefs.

Bien entendu, un bon « strength & conditioning coach » connait ses joueurs et sait quelle charge de travail ils peuvent supporter, et quel repos leur attribuer. Il connaît les forces et faiblesses de chacun et sait adapter le régime d’entraînement (notamment question musculation) en fonction de cela. Avec la banalisation des techniques chirurgicales, il est peu probable que ce soit là une différence majeure entre les équipes, c’est là que le S&C intervient pour remettre le joueur dans le bain.

L’exemple des Chiefs est en effet frappant : est-ce que cette hécatombe d’ACL/MCL est uniquement un coup du sort, ou une santé fragile des genoux venu d’un manque de renforcement musculaire ? Impossible de le dire sans être à l’intérieur et ce serait pure spéculation que d’aller plus loin.

Pour information, il y a un prix du meilleur S&C Coach remis tous les ans, votés par ses pairs. C’est le S&C coach des Packers, Mark Lovat (photo), qui l’a remporté pour la saison 2011-2012.

Le plus « connu » est probablement Mike Woicek, le S&C coach des Pats qui est le seul individu en NFL a avoir 6 SB Rings (3 Cowboys, 3 Pats).


renew : Tu as mis un lien sur le tchat renvoyant vers un article sur des top QB se réunissant pour une levée de fonds, et il y avait cette phrase à la fin : « It was also a rare double sighting of Montana and Young, who engaged in perhaps the greatest quarterback controversy of all. » Est-ce que ce serait possible de nous parler de cette controverse ? 

Il y a actuellement 23 QB de l’ère moderne au Hall of Fame, du plus ancien (Bob Waterfield) au plus jeune (Troy Aikman). C’est-à-dire déjà moins que le nombre d’équipes lors de la fusion AFL-NFL en 1970 (26). C’est déjà une chance que certaines équipes en ont vu passer deux : Dallas (Staubach/Aikman), Philly (Jurgensen/Van Brocklin) ou Miami (Griese/Marino). Mais en général, les deux ne sont jamais croisés.

C’est encore plus incroyable que les deux aient été côte-à-côte, comme chez les Rams dans les années 50s : ils avaient Bob Waterfield (photo, à gauche) ET Norm Van Brocklin (photo, à droite) dans l’équipe en même temps. Les deux Hall Of Famers ont joué ensemble… littéralement… ils alternaient chaque QUART-TEMPS. Van Brocklin, arrivé en dernier, n’était pas très content à cette idée mais il a accepté de le faire car il reconnaissait le talent de Waterfield. De plus ça ne gênait pas les résultats vu que les Rams ont gagné le titre en 1951.

Maintenant, prenez cette situation et ajoutez le fait que l’un des deux ne supporte PAS cette situation et le dise ouvertement, et vous avez la plus grande controverse de Quarterback: Joe Montana vs Steve Young.
De 1981 à 1987, les 49ers et leur QB « Joe Cool » étalent leur classe sur la NFL, ayant gagné deux SB en 1981 et 1984 et ayant atteint les playoffs en 1983, 1985 et 1986. Montana est un maître passeur et il en fait profiter tout le monde dont Jerry Rice et John Taylor. Le problème c’est que l’âge et surtout les commotions à répétition commencent à rattraper Joe, et Bill Walsh décide en 1987 de lui donner un petit coup de fouet en tradant pour le jeune QB foufou des Buccaneers, Steve Young.

Montana, Young et Walsh

La controverse enfle en playoffs quand Montana performe misérablement contre les Vikings, et que Young le remplace avec une performance bien meilleure. Les 49ers perdent quand même le match mais à partir de là, la guerre est ouverte entre les deux. La réponse du maître ne se fait pas attendre : en 1988 et 1989, Montana mène les 49ers vers 2 nouveaux SB. Young trépigne derrière, et ce sont les Giants qui vont l’aider en terrassant une dernière fois Montana lors d’un match de playoffs en 1990. Encore une commotion pour Joe Cool, et Steve Young prend sa place.

La controverse couve les deux prochaines années avec un Young bon mais inexpérimenté et un Montana blessé qui se remet gentiment; Walsh a cependant déjà fait son choix : ce sera Young. Montana remplace Young blessé à la fin d’un match en 1992 et montre que le maître est de retour. La controverse explose pendant l’offseason mais Walsh a pris sa décision. Montana est tradé aux Chiefs; il reviendra en 1994 pour prendre sa revanche sur Steve Young, mais ce dernier aura le dernier mot en cimentant sa légitimité par une victoire au Superbowl cette année-là.

Cette controverse risque de rester la plus âpre encore longtemps, parce qu’aucune autre venue ensuite n’a atteint ce niveau de tension interne. Les seules qui s’en approchent seraient à la limite Rivers/Brees aux Chargers et Favre/Rodgers aux Packers. Brees sera probablement au HOF mais si Rivers continue il ne fera jamais assez pour considérer ça une controverse du niveau de Young/Montana. Pour l’autre, certes Favre est sûr d’être au HOF mais même si Rodgers continue sur sa voie et finit par y être, la « controverse » n’aura duré que 3 ans max, le temps pour Rodgers d’aller gagner un titre lui aussi. Et puis, il n’y a visiblement pas d’animosité entre les deux.

Parce qu’entre Montana et Young, croyez-moi : pour que la vision des deux assis côte à côte ait autant surpris, vous pouvez imaginer l’ambiance à l’époque.

Guickham : Nous avons pu voir cette saison une explosion des statistiques à la passe (…). Le lockout et l’absence d’une véritable off-saison pour mettre en place les couvertures l’année dernière n’y sont sans doute pas étrangers mais est-ce que cela pourrait avoir pour effet qu’il se produise l’inverse sur la saison à venir et dans quel proportion ?
En effet, le lockout a été très dommageable pour les défenses plus que pour les attaques car les défenses se basent un peu plus sur la coordination et la communication. De ce fait l’entraînement qui a manqué s’est forcément fait ressentir sur le terrain et les attaques en ont profité.
Mais dans quelle mesure ? Certes les attaques ont bénéficié de cet état de fait, mais je ne pense pas que l’effet du lockout ait été tel que l’on va avoir un retour de bâton monstrueux cette année. Rappelez-vous ce que j’ai déjà dit : nous sommes dans une ligue de passeurs, et la la NFL veut voir de la passe, d’où toutes les règles pro-QB pro-receveurs.

En outre, est-ce un problème de communication entre les défenseurs quand des monstres comme Rob Gronkowski ou Jimmy Graham (photo) sont impossibles à couvrir ? Quand Aaron Rodgers envoie un backshoulder throw indéfendable à Greg Jennings ? Quand Megatron, Larry Fitzgerald ou Steve Smith font des catchs en double (triple) couverture ? Il faut aussi admettre que la profusion des yards tient à la qualité des attaques aériennes.

Il y a une équipe qui, je pense, va stigmatiser l’importance du lockout l’année passée : les Eagles. Si leur défense, avec une vraie offseason, répond enfin aux espoirs promis par la qualité du roster, on saura qu’en effet 2011-2012 était une année particulière. Personnellement, je serais quand même étonné qu’on retrouve encore 3 QBs à 5000+ yards.

Axel : Cela fait plusieurs années qu’on a pas vu un running back blanc réaliser des performances sur le long terme. Est ce que ce poste est délaissé par les joueurs blancs, pour je ne sais quelle raison, où est ce que les RB noirs ont un atout de plus que les blancs (je sais qu’on est tous des humains mais on a quand même certaines différences)?
Chez Latest, on ne boude aucune question, aussi délicate soit-elle. On est comme ça.

Il est vrai que ça fait un moment que l’on a pas vu de Running Back blanc faire de grosses performances tout court, pas seulement sur le long terme. Certes Peyton Hillis a fait une saison à 1000+ yards, mais quel était le dernier RB blanc à le faire ? Craig James… en 1982.

Certes il y a encore des Toby Gerhart et des Danny Woodcock… errr Woodhead, mais leur rôle est plus ciblé que cela. Les plus « anciens » se rappellent sûrement la boule de bowling Mike Alstott avec les Buccs. Mais de nos jours, fini les Larry Csonka, John Riggins, Jim Taylor et autres Tommy Vardell. Alors pourquoi donc ?
Je vais prendre un exemple totalement hors du foot US pour démontrer que ce n’est pas seulement un problème dans ce sport : Christophe Lemaitre. On le considère tous comme un extra-terrestre car il est seul blanc sous les 10 secondes et à essayer de rivaliser avec les noirs sur 100 mètres. Il en a les capacités et il est considéré comme un phénomène.
Et pourtant revenez un peu en arrière. Imaginez-vous comme le petit Christophe : vous voulez faire du 100 mètres et tous les meilleurs sont noirs. « OK c’est pas la peine, je n’y arriverais pas, ils doivent avoir quelque chose de plus que nous ». Ensuite imaginez-vous être son entraîneur. « Oh là, un blanc qui veut faire du 100 mètres ? OK, t’as du potentiel, mais va pas te bouffer dans une discipline où les meilleurs sont noirs. On va bosser sur ton endurance et tu vas faire du 400 mètres ». Heureusement, le p’tit gars a évité tous ces écueils.
Mais ça pose une question : combien de Christophe Lemaitre passeraient à la trappe avec ce genre de raisonnement ? (En réalité : ça m’étonnerait qu’un gars aussi talentueux passe à travers les détections de jeunes en France).
Vous avez là trois raisons pour laquelle on ne trouve pas beaucoup de RB blancs je pense :
  • Non, ce n’est pas raciste de dire que les noirs sont plus armés naturellement que les blancs pour certaines capacités, c’est lié à l’histoire et à l’environnement qui ont modifié leur morphologie. Il se trouve que la combinaison agilité + vitesse recherchée chez les RB est plus prédominante chez les noirs. Mais tout ça n’empêche pas de trouver des noirs pas du tout athlétiques ou des blancs super athlétiques.
  • Dans un cercle vicieux, parce qu’il n’y a pas de RB blancs, les blancs n’essaient pas d’être RB.
  • Et de toutes façons, même si les gens vous nieront farouchement que c’est le cas… il y a probablement des a priori qui mènent à un certain profilage lors du choix du futur poste. On va prendre les RB blancs et les mettre à une autre position, comme Fullback (Peyton Hillis, justement, était RB au lycée et FB à l’université).
En gros, il arrive actuellement au RB blancs ce qu’il arrivait aux QB noirs avant (« t’es QB ? non attends on va te mettre RB ou receveur, t’as pas ce qu’il faut pour être QB NFL. »).

Pour finir, j’ai une autre question (on est en pleine période du bac c’est le mailbag des questions surprises) : citez-moi de tête 3 Cornerbacks blancs connus des 20 dernières années.

Mode difficile : sans citer le monsieur dans la photo.

Vous voyez, ce n’est pas qu’au poste de RB qu’il y a cet état de fait.


Pierre : NFL.com a fait un article pour la fête des Pères sur l’influence de Archie Manning sur Eli, je me demandais, en rajoutant Peyton, s’il y avait une famille NFL plus titrée que les Manning ?

Ca va être difficile de trouver une famille avec plus de 3 SB, 3 SB MVP et 4 MVP, sans compter que Peyton et Eli ont en plus été back-to-back SB MVP (2006 et 2007). Si on reste dans les familles de joueurs seulement, la famille Manning est la plus titrée (et c’est pas comme si Archie était un branque lui-même, il a juste eu le malheur d’être la seule star des Aints dans les années 1980). On peut cependant trouver quelques familles qui ont pas mal réussi dans ce sport :

  • Les Rooney pour commencer ! Les proprios des Steelers depuis leur début ont 6 SB.
     
  • Les Sharpe.
    • Le grand frère Sterling, grand WR des Packers, 5 fois All-Pro, qui a eu sa carrière terminée trop tôt par une blessure au cou.
    • Le petit frère Shannon, TE monstre avec les Broncos et Ravens, 4 fois All-Pro, 3 SB et actuellement au Hall Of Fame.
       
  • Les Barber. Un rare cas de frères jumeaux dans le sport.
    • Tiki a été le coureur des Giants pendant longtemps, 3 fois All-Pro, 10,000+ yards à la course. Il a juste eu la malchance de prendre sa retraite en 2006… un an avant que les Giants gagnent le SB.
    • Ronde est un increvable CB avec les Buccs 5 fois All-Pro qui joue en 2012 sa 16e saison et qui a gagné 1 SB (2002).
       
  • Les Matthews.
    • Bruce était un formidable OL pour les Oilers/Titans, 18 ans de carrière, 10 fois All-Pro et au Hall Of Fame.
    • Son petit frère Clay Junior a fait encore mieux en longévité avec 19 saisons entre les Browns et les Falcons. Il a été 4 fois All-Pro. Entre les deux, on a vu au moins un frangin Matthews jouer de 1978 à 2001. 23 ANS.
    • Le fils de Clay Jr, Clay III, promis lui aussi à une bonne carrière : All Pro et un SB en trois ans.
    • Pour info, le grand-père Clay Senior était aussi un footballeur (OT 4 ans aux 49ers) et le petit frère Casey est LB chez les Eagles (mais c’est plus dur pour lui).

Ensuite on verse dans les familles qui n’ont pas toujours connu le succès :

  • les Ryan (Buddy le père coach des Eagles et les jumeaux Rex et Rob)
  • les Griese (Bob le père HOFer et Brian le fils journeyman QB)
  • les Simms (Phil le père 1 SB et Chris le fils)
  • les Hasselbeck (Don le père TE 1 SB et les frangins QB Matt et Tim)
  • les Long (Howie le père DL avec 1 SB et Chris le fils aux Rams)
  • les Winslow (Kellen Sr HOFer et Kellen Jr)
  • les Dorsett (Tony le père HOFer et Anthony le fils)
  • les Phillips (Bum le père coach des Oilers et Wade le fils coach des Bills)
  • les Shula (Don le père Coach légendaire et Dave le fils)
  • les Jim Moras (père et fils coach)
  • … 

C’est la fin de ce mailbag. N’hésitez pas à continuer à envoyer des questions, elles seront toutes lues (l’adresse se trouve dans la news d’annonce linkée tout en haut de l’article).

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