La Draft NFL
Introduction
La draft est un moment très attendu de l’intersaison NFL. C’est le processus par lequel les équipes recrutent des joueurs qui n’ont encore jamais joué au niveau professionnel.
Pour être éligible à la draft, un joueur doit avoir fini son lycée depuis au moins trois ans, qu’il ait joué ou non en université (par exemple, une année « redshirt » , i.e. sans jouer, compte dans le total). Même s’il est déjà arrivé qu’un joueur ne joue pas du tout en université, c’est le cas de l’écrasante majorité des draftés.
La draft a lieu pendant trois jours, généralement fin Avril/début Mai. Pendant longtemps elle a eu lieu au Radio City Music Hall de New York, mais depuis quelques années la NFL la fait voyager dans d’autres villes. Elle est ouverte au public dans un grand show typique des États-Unis.
Origines et évolution
Au début du football professionnel, les joueurs universitaires choisissaient souvent de signer dans 1) les franchises les plus prestigieuses, 2) celles qui leur offraient les plus gros montants ou 3) les plus proches géographiquement. Ainsi, le championnat était quelque peu déséquilibré avec des franchises comme Chicago, Washington, les Giants ou Green Bay qui dominaient la compétition.
En 1935, le propriétaire de l’équipe des Philadelphia Eagles, Bert Bell, décide que ce procédé n’est pas très équitable. Lors de la réunion des propriétaires, il propose un système pour équilibrer les forces des équipes, seul vrai moyen d’avoir une ligue pérenne. Il veut tout simplement appliquer pour les joueurs universitaires le même principe que pour les joueurs libérés par leur équipe, le fameux waiver wire ; quand une équipe libère un joueur, les autres peuvent venir le réclamer, mais cela se fait dans un ordre de priorité bien précis : l’inverse du classement final de la saison précédente – les moins bonnes équipes ont la priorité sur les meilleures.
Bell propose donc de faire la même chose pour les joueurs universitaires : les plus mauvaises franchises sont prioritaires. On pourrait penser que les grandes équipes vont refuser cette proposition, mais au contraire, elles comprennent que sans une certaine équité la ligue se résumera bientôt à trois / quatre franchises ; la proposition de Bell est acceptée à l’unanimité.
La première draft NFL a lieu en 1936 sous le format que l’on connaît actuellement (plusieurs tours). Les Eagles ont le premier choix et sélectionnent le QB Jay Berwanger, qui est également le tout premier récipiendaire du Heisman Trophy (nommé Downtown Athletic Club Trophy à l’époque). Ironiquement, il ne jouera jamais en NFL.
Avec le temps, les nombres de tours et de choix par tour ont largement évolué, montant jusqu’à trente tours dans les années 1940-1950, pour finir par se stabiliser sur les sept tours que l’on connaît aujourd’hui. La découverte des talents, elle aussi, a beaucoup évolué : on est passé du « bouche à oreille » et de la sélection des universitaires du coin à une toile d’araignée tissée par toutes les équipes aux quatre coins du pays grâce aux scouts.
De plus, la médiatisation est passée par là : ce qui était jadis un rendez-vous d’initiés dans une salle remplie de fumée de cigare est devenu un grand show médiatique qui attire de plus en plus de monde pour déterminer les talents de demain.
Ordre de passage
Comme expliqué précédemment, avant de faire la draft il faut déterminer dans quel ordre les équipes vont choisir les joueurs. Là aussi, il y a eu quelques modifications depuis le début historique de la draft : avec l’arrivée des playoffs, on ne prend plus seulement le classement inverse de la saison.
La première opération consiste à séparer les équipes en différents groupes, quelque soit leur conférence ou division :
- #1 – #20 : les 20 équipes ayant raté les playoffs ;
- #21 – #24 : les 4 équipes ayant perdu le Wild Card Round ;
- #25 – #28 : les 4 équipes ayant perdu le Divisional Round ;
- #29 – #30 : les 2 équipes ayant perdu le Conference Championship ;
- #31 : le perdant du Super Bowl ;
- #32 : le vainqueur du Super Bowl.
Une fois ce découpage effectué, on peut opérer le classement de chaque groupe indépendamment des autres. Le principal critère pour l’ordre de la draft est le record (le total listant le nombre de victoires et de défaites) : on classe toujours du moins bon record au meilleur.
Si jamais plusieurs équipes ont le même record, alors il faut les départager avec le Strength Of Schedule (SOS), ou « importance du calendrier » : il s’agit de calculer le pourcentage cumulé de victoires de tous les adversaires qu’une équipe a rencontrées pour avoir une idée de la difficulté de son parcours. La logique est simple : plus ce SOS est haut, plus les adversaires ont accumulé de victoires, plus le calendrier a été difficile. Une fois ce SOS calculé, on classe les équipes à égalité du SOS le plus faible au SOS le plus fort ; n’oubliez pas que la draft « récompense » les pires équipes, il faut donc mettre devant celles qui ont fait le même record que les autres mais contre une opposition (SOS) plus faible.
Si jamais certaines équipes ont un record total et un SOS équivalents, tout dépend de leur alignement :
- Si elles sont dans la même division, on applique le tie-break au record dans la division ;
- Si elles ne sont pas dans la même division ou que le record dans la division est équivalent mais qu’elles sont dans la même conférence, on applique le tie-break au record dans la conférence ;
- Enfin, si des équipes sont toujours à égalité après tout cela, on fait… un coin toss, soit un lancer de pièce. Pile ou face.
Voici un exemple avec l’ordre « pur » du premier tour de la draft 2011, en omettant les choix échangés avec d’autres équipes qui ont pu intervenir :
Position | Equipe | Record | SOS | Playoffs ? | Tie-break |
---|---|---|---|---|---|
1 | Carolina | 2-14 | .547 | Non | Non |
2 | Denver | 4-12 | .516 | Non | SOS |
3 | Buffalo | 4-12 | .578 | Non | SOS |
4 | Cincinnati | 4-12 | .582 | Non | SOS |
5 | Arizona | 5-11 | .465 | Non | SOS |
6 | Cleveland | 5-11 | .570 | Non | SOS |
7 | San Francisco | 6-10 | .488 | Non | SOS |
8 | Tennessee | 6-10 | .508 | Non | SOS |
9 | Dallas | 6-10 | .512 | Non | SOS |
10 | Washington | 6-10 | .516 | Non | SOS |
11 | Houston | 6-10 | .523 | Non | SOS |
12 | Minnesota | 6-10 | .539 | Non | SOS |
13 | Detroit | 6-10 | .543 | Non | SOS |
14 | Saint-Louis | 7-9 | .449 | Non | SOS |
15 | Miami | 7-9 | .539 | Non | SOS |
16 | Jacksonville | 8-8 | .453 | Non | SOS |
17 | Oakland | 8-8 | .469 | Non | SOS |
18 | San Diego | 9-7 | .457 | Non | Non |
19 | N.Y. Giants | 10-6 | .453 | Non | SOS |
20 | Tampa Bay | 10-6 | .477 | Non | SOS |
21 | Kansas City | 10-6 | .414 | Wild Card | SOS |
22 | Indianapolis | 10-6 | .473 | Wild Card | SOS |
23 | Philadelphie | 10-6 | .492 | Wild Card | SOS |
24 | New Orleans | 11-5 | .469 | Wild Card | Non |
25 | Seattle | 7-9 | .484 | Divisional Round | Non |
26 | Baltimore | 12-4 | .484 | Divisional Round | Non |
27 | Atlanta | 13-3 | .484 | Divisional Round | Non |
28 | New England | 14-2 | .504 | Divisional Round | Non |
29 | Chicago | 11-5 | .473 | Conference Championship | SOS |
30 | N.Y. Jets | 11-5 | .492 | Conference Championship | SOS |
31 | Pittsburgh | 12-4 | .500 | Superbowl | Non |
32 | Green Bay | 10-6 | .520 | Champion | Non |
Dernier détail : entre les tours, on établit un roulement entre les équipes à égalité pour assurer encore un peu plus d’équité. Par exemple :
- Au premier tour : Denver – Buffalo – Cincinnati ;
- Au deuxième tour : Buffalo – Cincinnati – Denver ;
- Au troisième tour : Cincinnati – Denver – Buffalo ;
- Au quatrième tour : Denver – Buffalo – Cincinnati ;
- Au cinquième tour : Buffalo – Cincinnati – Denver ;
- Au sixième tour : Cincinnati – Denver – Buffalo ;
- Au septième tour : Denver – Buffalo – Cincinnati.
Déroulement
La draft NFL se déroule en sept tours étalés sur trois jours :
- Le premier tour, le plus attendu, a lieu le premier jour (le jeudi) ;
- Les deuxième et troisième tours ont lieu le deuxième jour (le vendredi) ;
- Les quatre derniers tours ont lieu le dernier jour (le samedi).
Chacun de ces tours est composé de 32 choix à la base ; un par équipe. Néanmoins, il faut également rajouter des choix de « compensation » qui sont attribués par la ligue aux équipes ayant perdu plus de Free Agents qu’elles n’en ont signé pendant l’intersaison précédente.
De ce fait, on atteint les 256 choix de draft. Le premier choix est honoré comme le top pick dont on attend monts et merveilles, et par tradition le dernier est nommé Mister Irrelevant dont on attend… moins.
Lors du premier tour, chaque équipe a dix minutes pour annoncer son choix ; le délai passe à sept minutes au second tour puis cinq minutes du troisième au dernier tour. Pour cela, elle fait passer un papier avec le nom du joueur au commissioner de la ligue, qui l’annonce ensuite officiellement au micro. Si l’équipe dépasse son temps de réflexion, l’équipe suivante peut la devancer en choisissant le joueur qu’elle souhaite.
Enfin, il y a le cas du trade ou échange : deux équipes se mettent d’accord pour échanger leurs places, moyennant des choix de draft (de celle en cours et/ou des futures). Dans ce cas, on dit que l’équipe qui remonte dans l’ordre trade up et que celle qui redescend trade down.
Voici d’autres termes « techniques » qu’on rencontre lors de la draft :
- Top Prospect : le cador que tout le monde s’arrache au premier tour. S’il dépasse le top-10, il y a un gros problème.
- Bust : un joueur choisi très haut dans la draft qui s’est totalement écrasé en NFL. A noter que c’est souvent mais pas automatiquement un top prospect, certains choix étant parfois vraiment curieux.
- Reach : un joueur vu comme moyen qui est pris bien plus tôt que prévu dans la draft.
- Steal : l’inverse du reach, un bon joueur qui aurait dû partir bien plus tôt mais pour diverses raisons qui a été pris plus tard que prévu (voire pas du tout).
- Sleeper : un joueur qui ne fait pas les choux gras des médias, mais qui devient très précieux pour son équipe. Ce genre de joueurs va généralement peupler le troisième jour de la draft.
Enfin, dans la draft, il y a plusieurs philosophies :
- Choisir un joueur selon ses besoins à un poste donné. Cela paraît la logique même, sauf que parfois vous passez à côté d’énormes talents qui vont à la concurrence ; de plus, vous risquez de faire des reachs si la position qui vous intéresse n’a pas beaucoup de talents disponibles.
- Choisir le meilleur joueur disponible ; on appelle cela la stratégie du Best Player Available ou BPA. Cela permet de recruter les meilleurs talents purs, mais si vous ne bouchez pas les trous évidents dans votre effectif, il peut finir par être trop déséquilibré.
- Faire un un mix des deux. C’est l’idéal : les meilleurs General Managers savent utiliser la draft (trade, bonne évaluation des sleepers) afin que le meilleur joueur restant à sélectionner leur permette de combler un besoin.