Fiche Légende : Bill Willis

#30 – Defensive Tackle

 

 

Présentation

 

GÉNÉRALITÉS
Nom complet William Karnet « Bill » Willis
Date de Naissance 5 Octobre 1921
Lieu de Naissance Columbus, Ohio
Date de Décès 27 Novembre 2007
Lieu de Décès Columbus, Ohio
CARRIÈRE
Lycée East High, Columbus, Ohio
Université Ohio State
Draft Non-drafté (1945)
Équipes Joueur :
Cleveland Browns (1946-1953)
Coach :
Kentucky State (1945)
Statistiques 8 saisons
99 matchs – 66 comme titulaire
2 fumbles recouvrés
1 interception
HONNEURS
Pro-Bowls 3 (1950-1952)
All-Pro 4 AAFC (1946-1949) & 4 NFL (1950-1953)
Performances notables
Récompenses 4 titres de champion AAFC (1946-1949)
1 titre de champion NFL (1950)
Membre de l’équipe NFL des années 1940
Membre du Ring Of Honor des Browns
Hall Of Fame Classe de 1977

 

Biographie

 

Quand on parle de ségrégation dans le football professionnel américain moderne, il y a un nom qui revient dans les précurseurs qui ont cassé la barrière : Paul Brown, le légendaire Head Coach des Browns, se fichait bien de votre couleur de peau si vous étiez apte à l’aider à conquérir des titres ; d’abord dans la ligue parallèle de l’All-America Football Conference (AAFC), puis en NFL. Quelques mois avant que Jackie Robinson ne soit le premier afro-américain à jouer en Major League Baseball, Brown a fait jouer dès 1946 le coureur Marion Motley et le Lineman Bill Willis ; on se souvient plus volontiers du premier que du second, et pourtant Willis partait encore de plus loin que Motley car il n’avait même pas le gabarit de son poste.

William Willis naît en octobre 1921 à Columbus, dans l’état d’Ohio. Il connaît peu son père Clement qui disparaît alors que William n’a que quatre ans ; son grand frère Claude et lui sont élevés par leur mère et leur grand-mère dans un pays frappé par la ségrégation et la Grande Dépression. Cela ne l’empêche pas de développer de belles qualités athlétiques qu’il met à profit en intégrant l’équipe d’athlétisme du lycée de Columbus East ; il pourrait aussi intégrer celle de football, mais il ne veut pas être comparé à son aîné qui a été sélectionné All-State comme fullback dans le même lycée quelques années auparavant (Claude et Bill sont séparés de six ans).

Quand son intérêt pour le football est trop grandissant et qu’il finit par s’y mettre, il préfère jouer Tackle/End sur la ligne même s’il n’a pas forcément le gabarit idéal à ce poste et que sa rapidité le prédestine plus à porter le cuir. Cependant, le talent est clairement présent et il fait trois saisons remarquables ; s’il n’est pas voté All-Star, il reçoit une mention honorable sa dernière année, en 1939.

À sa sortie du lycée, Willis se rappelle la douloureuse expérience de Claude qui, malgré tout son talent, n’avait pas réussi à intégrer l’équipe de football de l’Université d’Ohio State à cause de sa couleur de peau ; il travaille donc pendant un an. Mais les choses ont changé chez les Buckeyes : le Head Coach n’est plus Francis Schmidt mais le jeune et talentueux Paul Brown qui a fait des miracles au lycée de Massilion. Et il n’a pas peur d’aller chercher les talents là où ils se trouvent : il reçoit une lettre de l’entraîneur de Columbus East (qu’il a affronté plus d’une fois avec Massilion) et qui lui recommande Willis. Brown le reçoit et l’intègre sans coup férir à Ohio State en 1941 ; le joueur se concentre plus sur l’athlétisme sa première année, utilisant notamment sa vitesse pour concourir dans les sprints de 60 et 100 yards.

Bien qu’il soit toujours sous-dimensionné pour jouer comme « Middle Guard » à 1m88 et 91kgs (aujourd’hui on parlerait de Nose Guard – la position juste en face du Centre), il est titulaire dans l’équipe championne de 1942 grâce à son explosivité extraordinaire. En 1943, la Seconde Guerre Mondiale appelle nombre d’étudiants dans les rangs de l’armée, mais il ne peut les suivre : il est réformé à cause de varices ; il fait une saison respectable. En 1944, même si Paul Brown n’est plus là – appelé lui aussi par l’armée il se retrouve à entraîner l’équipe d’une base militaire – les Buckeyes sont bien meilleurs et finissent invaincus ; en leur sein, Willis est un talent remarqué qui est nommé All-American.

Mais tout cela ne change pas le fait que la NFL n’ouvre pas ses portes aux afro-américains, donc s’il veut continuer dans le football il doit prendre des chemins détournés : il devient le Head Coach de l’Université de Kansas State, une faculté noire. L’équipe de football poste une belle saison à 8-2, cependant Willis n’a jamais abandonné son rêve de jouer de manière professionnelle. En parallèle, la Guerre est terminée et Paul Brown décide de rejoindre la nouvelle ligue concurrente à la NFL, l’AAFC ; il y fonde l’équipe des Cleveland Browns. L’histoire est un peu floue sur les vraies raisons qui conduisent Willis à la rejoindre : certains disent que Brown a fait le premier pas vers Willis, d’autres que c’était l’inverse, tout cela sur fond de volonté du joueur de rejoindre les Montreal Alouettes de la CFL. Toujours est-il qu’un test est pratiqué lors des camps d’entraînement : utilisant son explosivité à tel point qu’il a l’air d’être hors-jeu à chaque fois, Willis bat son adversaire direct pour aller sacker le Quarterback Otto Graham à plusieurs reprises.

Cela prouve non seulement à Brown mais surtout aux autres joueurs qu’il a les qualités pour réussir au niveau professionnel, ce qui aide à son intégration. Très rapidement, Marion Motley le rejoint et les deux deviennent colocataires afin d’éviter les problèmes. Brown utilise d’abord Willis des deux côtés du ballon, mais c’est comme « Middle Guard » défensif qu’il va s’installer durablement ; le Head Coach décide même d’utiliser l’agilité du joueur pour le faire parfois redescendre en couverture, comme on le ferait avec un Linebacker aujourd’hui.

La suite lui donne raison : non seulement Willis aide les Browns à dominer outrageusement la jeune AAFC, remportant tous les titres de son existence (1946-1949), mais lui-même est un moteur inarrêtable qui est élu chaque année dans l’équipe des meilleurs joueurs d’AAFC. Son excellence sur le terrain aide à calmer quelque peu les insultes qu’il reçoit de la part des joueurs et fans adverses ; ne voulant jamais répondre par la violence gratuite, il préfère répondre en démolissant ses adversaires dans les règles du sport.

Quand Cleveland rejoint la NFL suite à l’absorption de l’AAFC en 1950, l’équipe continue sur le même rythme et Willis en fait de même : quatre finales de 1950 à 1953, un titre, trois votes Pro-Bowl, quatre votes All-Pro pour le #30… et une action cruciale lors d’un match de playoffs 1950 où il rattrape le coureur des Giants Gene Roberts qui partait au touchdown. Quand il prend sa retraite après la saison 1953, il a été le meilleur joueur de la féroce défense de Cleveland ; il a été décoré personnellement chaque année par la ligue dans laquelle il a joué, tout cela en étant pourtant « hors de position » par rapport à son gabarit. Motley lui demande de faire la présentation de l’intronisation du coureur au Hall Of Fame en 1968, quelques années avant que Willis n’y entre à son tour en 1977, présenté par Paul Brown.

Sa deuxième carrière est toute trouvée : il veut agir pour la communauté et notamment pour les enfants ; il devient commissaire assistant aux loisirs dans la ville de Cleveland. Il devient président de la Commission de la Jeunesse d’Ohio pour combattre la criminalité chez les jeunes.

Il s’éteint en 2007 à l’âge de 86 ans après une longue vie où il a toujours dû batailler – pour lui-même et pour les autres – mais où il a toujours réussi à laisser sa trace, que ce soit pour l’acceptation raciale ou en étant un des prototypes du Middle Linebacker NFL d’aujourd’hui. Et si le chemin reste long, il a pu mesurer le parcours déjà accompli quand « son » équipe des Browns, en 2005, a nommé Romeo Crennel, un afro-américain, comme Head Coach.