Fiche Légende : Bronko Nagurski

#3 – Running Back

 

 

Présentation

 

GENERALITÉS
Nom complet Bronislau « Bronko » Nagurski
Date de Naissance 3 Novembre 1908
Lieu de Naissance Rainy River, Ontario
Date de Décès 7 Janvier 1990
Lieu de Décès International Falls, Minnesota
CARRIÈRE
Lycée Bemidji, Minnesota
Université Minnesota
Draft Pas de draft à l’époque
Équipes Chicago Bears (1930-1937, 1943)
Statistiques 9 saisons
97 matchs
633 courses / 2778 yards (4.4)
11 réceptions / 134 yards (12.2)
25 touchdowns
7 passes de touchdown
HONNEURS
Pro-Bowls
All-Pro 4 (1932-1934, 1936)
Performances notables Leader en touchdowns au sol (1932)
Récompenses 3 titres de champion (1932, 1933, 1943)
Membre de l’équipe NFL des années 1930
Membre de l’équipe des 75 ans de la NFL
Numéro #3 retiré chez les Bears
Hall Of Fame Classe de 1963

 

Biographie

 

Parler de Bronko Nagurski, c’est parler du premier vrai coureur bulldozer de l’histoire de la NFL. Lorsqu’il portait la balle, sa seule mission était la ligne d’en-but en broyant le maximum de victimes essayant vainement de le plaquer. Véritable locomotive sur jambes, il était tellement dur à arrêter que les adversaires devaient souvent s’y mettre à plusieurs pour le faire tomber. Et pourtant, l’ironie veut que l’action la plus cruciale de sa carrière a probablement été… une passe ; l’action en question a créé une controverse à l’origine d’une modification du règlement fondatrice du sport tel qu’on le connaît aujourd’hui.

Bronislau Nagurski naît en novembre 1908 à Rainy River, dans l’état d’Ontario au Canada. Comme son nom peut le laisser penser, il est le fils d’immigrés, « Mike » (véritable nom Nicholas) et Michelina, en provenance de la Galicie ; une province qui, aujourd’hui, est partagée entre l’est de la Pologne et l’ouest de l’Ukraine. Il est l’aîné d’une fratrie de quatre enfants, et alors qu’il n’est qu’un bébé, ses parents traversent la frontière toute proche pour s’établir à International Falls, dans l’état du Minnesota. C’est là que Nagurski va grandir, et rapidement changer de prénom : sa première institutrice, incapable de comprendre l’accent de Michelina quand elle prononce le prénom du garçon, trouve le mot anglais qui se rapproche le plus : c’est le début du surnom de Bronko, orthographe modifiée du bronco, le cheval sauvage. Un surnom on ne peut plus prémonitoire.

Le jeune Bronko grandit dans la ferme familiale et aide son père aux tâches quotidiennes ainsi qu’à l’épicerie qu’il tient. Si on rajoute les températures souvent glaciales dans cette partie du pays, tous ces éléments lui forgent rapidement un physique impressionnant, et il se découvre une attirance pour le sport. Quand il entre au lycée d’International Falls, il se concentre surtout sur le basketball et le football. Cette dernière discipline est sa préférée, et il y montre déjà sa supériorité physique sur ses adversaires quelque soit le poste auquel il joue, mais son équipe est d’un faible niveau et ne va pas bien loin.

Alors qu’il entame sa dernière année, Nagurski espère décrocher une bourse universitaire pour y jouer, cependant il lui faut plus de visibilité et de meilleurs partenaires. Le coach du lycée de la ville de Bemidji, qui a remarqué le jeune talent, lui propose d’être transféré ; Bronko n’hésite pas une seconde, car il déteste les entraîneurs de son lycée (celui de football est incompétent, et celui de basket a puni toute l’équipe pour la faute de quelques-uns dont il ne faisait pas partie).

Mais le super-intendant du lycée d’International Falls ne s’en laisse pas compter : furieux que Bemidji ait osé débaucher son meilleur joueur, il en réfère à l’association des sports lycéens du Minnesota ; cette dernière tranche en suspendant Nagurski de participation à l’équipe de football. Il est abattu par la décision qui semble mettre fin à ses espoirs, et tente de se consoler en jouant au basket pour Bemidji. Loin de sa famille et privé du sport qu’il aime, il connaît un vague à l’âme compréhensible.

Une fois son cursus lycéen terminé, il retourne à la ferme familiale et reprend les travaux qui vont avec. Pendant l’été, alors qu’il est en train de labourer le champ, il reçoit la visite du coach de l’équipe de football de l’Université de Minnesota, Clarence « Doc » Spears. Il connaît Nagurski suite à cette histoire au lycée, et il veut voir le spécimen de ses yeux ; il n’en revient d’ailleurs pas car le jeune homme est bien plus grand et large que la moyenne. Spears inventera plus tard la légende qui veut que Bronko lui aurait indiqué une route à suivre en soulevant la charrue pour pointer dans la bonne direction ; en fait c’est bien plus simple : il lui offre tout de go la possibilité de signer chez les Golden Gophers pour jouer au football.

Il va vite comprendre la pépite qu’il a entre les mains : lors du premier entraînement, il fait passer un test dans lequel deux bloqueurs et un coureur essaient de passer un défenseur ; une situation totalement défavorable pour ce dernier. Mais quand Spears aligne Nagurski dans ce rôle, ce dernier se défait facilement de la protection pour infliger un plaquage ravageur au coureur ; après trois essais le coach en a vu assez. Au fur et à mesure des entraînements, les résultats sont spectaculaires : placé en défense, personne ne le passe ; placé en bloqueur, les coureurs ont un boulevard ; placé en coureur, personne ne peut l’arrêter. Cette combinaison de taille (1m88), force (107 kgs), agilité et vitesse est tout simplement hors-norme.

De 1927 à 1929, Bronko Nagurski fait la joie de l’équipe du Minnesota. Aligné comme fullback, il fracasse les défenseurs (qu’il porte la balle ou non) ; aligné comme Defensive Tackle, il bat aisément les Offensive Linemen adverses pour plaquer tout ce qui bouge. Grâce à lui, les Gophers sont invaincus (6-0-2) et remportent le titre de la conférence Big Ten en 1927. En 1928, il gagne un match contre Wisconsin quasiment à lui tout seul avec un touchdown et une interception, tout cela en portant un corset pour protéger une vertèbre fracturée. Enfin, il est tellement dominateur en 1929 qu’il réussit un exploit unique dans les annales du football universitaire : il est élu All-American à DEUX postes différents, coureur et Defensive Tackle.

Une fois sorti de l’Université, il est rapidement approché par George Halas, le propriétaire des Chicago Bears. Après un premier titre en 1921, la franchise n’arrive pas à revenir au même niveau et, affront ultime, subit la loi des rivaux Packers ; Halas espère que Nagurski sera le cheval de labour puissant aux côtés d’un autre légendaire futur Hall Of Famer, Harold « Red » Grange, au style de course plus aérien. En effet, la formation de ce duo va mettre un vrai coup de fouet des deux côtés du ballon pour les Bears ; ils vont même développer une connexion spéciale sur une feinte de course de Bronko qui se transforme en passe pour Grange. Et elle ne va pas tarder à faire parler d’elle.

En 1932, alors que Nagurski mène la ligue en touchdowns au sol (4) et reçoit son premier vote All-Pro, Chicago se retrouve à égalité avec les Portsmouth Spartans en tête de la ligue (7-1-2). Le titre NFL étant décerné au meilleur record à la fin de la saison, la ligue décide de départager les deux équipes en jouant une finale inédite pour l’époque ; elle doit avoir lieu à Wrigley Field, chez les Bears. Mais le temps est épouvantable et force un plan de contingence improbable : le match aura lieu dans le Chicago Stadium… qui est prévu pour le hockey et le basket.

C’est donc un match d’intérieur très spécial qui démarre, et la tactique préférée du duo Nagurski-Grange va être cruciale : la passe du premier pour le second est le seul touchdown du match remporté 9-0, offrant le titre aux Bears. Mais les Spartans sont furieux, car, pour eux, quand Nagurski a lancé la passe, il n’était pas à cinq yards au moins de la ligne de scrimmage comme la règle de l’époque le stipule. Le score est entériné, mais la ligue va modifier la règle pour que la passe vers l’avant soit autorisée n’importe où derrière la ligne de scrimmage ; une altération aux énormes répercussions puisqu’elle va aider à développer le jeu aérien, et qu’elle est bien entendu toujours en vigueur aujourd’hui.

En 1933, à la fin d’une nouvelle saison All-Pro pour lui, Bronko va être un des premiers à profiter de ce changement de règle : la NFL ayant pérennisé le principe d’une finale à la fin de la saison, Chicago l’atteint de nouveau, contre les Giants cette fois. Nagurski lance deux passes de touchdowns pour aider les Bears à remporter un deuxième titre consécutif. Mais cela ne lui suffit pas forcément, surtout au niveau financier : c’est l’année où il commence à se rapprocher du monde du catch et des frères Stecher, Joe (catcheur) et Tony (manager). Ce dernier le prend sous son aile, impressionné par le gabarit de Nagurski et persuadé qu’il fera un malheur sur le ring.

C’est le début de la courte double vie de Bronko Nagurski, alternativement footballeur et catcheur. Sur le gridiron, il remporte un nouveau vote All-Pro en 1934, étant notamment un bloqueur crucial qui permet au coureur Beattie Feathers d’être le premier de l’histoire de la NFL à amasser 1000 yards sur une saison. Mais même lui ne peut rien contre Dame Nature quand les Bears perdent en finale contre les Giants et le sol gelé du Polo Grounds. Après une saison 1935 en dents de scie, il revient en force en 1936 ; en 1937, il aide la franchise à atteindre une autre finale, perdue contre Washington. En parallèle, il réussit ses premiers matchs sur le ring et gagne même son premier titre de catch, la version du titre mondial dans le Maryland, contre Dean Detten ; il se sert des mêmes atouts que sur le gridiron : puissance et agilité.

Au début de la saison 1938, une dispute de salaire avec Halas pousse Nagurski à claquer la porte des Bears et à stopper sa carrière NFL pour pleinement se consacrer au catch. Il atteint des sommets, battant la légende Lou Thesz en 1939 pour le titre mondial de la National Wrestling Association (NWA), et gagnant le respect de tout un pays. Après plusieurs défenses de titre, il le perd en 1940 contre Ray Steele, mais le reconquiert en 1941 avant de le reperdre quelques mois plus tard contre Sandor Szabo dans une défaite surprise. Certes, Nagurski n’est pas aussi bien payé qu’il le pensait, mais l’argent est suffisant et ses exploits sont reconnus.

Intervient alors la Seconde Guerre Mondiale qui décime les effectifs de la NFL, que ce soit sur le terrain ou dans les bureaux. En 1943, Bronko accepte l’impensable : revenir aider les Bears SIX ans après son dernier match. A ce moment, il n’est plus le jeune butor inarrêtable qui écrase ses adversaires ; il a déjà un corps laminé par tous les abus physiques, et il ne peut plus porter la balle aussi souvent, s’installant plutôt en Tackle. Cependant, quand Chicago a besoin de deux touchdowns dans un match crucial en fin de saison, il marque le premier et aide à marquer le second. Cela permet aux Bears d’atteindre leur quatrième finale consécutive (dont deux gagnées en 1940 et 1941) : le match contre Washington est décidé lorsque Nagurski score un touchdown qui porte la marque à 14-7 ; Chicago n’est plus rejoint et l’emporte 41-21.

Il prend définitivement sa retraite du football après cet exploit, laissant derrière lui des légendes urbaines comme une fameuse action contre Washington où il aurait marqué un touchdown après avoir envoyé bouler deux Linebackers, piétiné un arrière défensif, écrasé un Safety, percuté les poteaux et fêler le mur derrière l’en-but de Wrigley Field ; tout ça pour déclarer, en revenant vers le huddle, que le dernier gars (le mur) lui avait mis un sacré tampon.

Il fait un passage par la case « entraîneur » ; il est le coach des coureurs de UCLA en 1944. Cela ne dure qu’un an, après quoi il retourne au catch. Il commence à s’économiser de plus en plus alors que son corps donne davantage de signes de fatigue, mais continue de remporter des titres dans les années 1940 puis 1950 (même si aucun n’a la portée de celui de la NWA). Il va notamment former un duo avec l’ancien champion universitaire Verne Gagne dans l’American Wrestling Association (AWA).

En 1960, c’est au tour du catch de dire adieu à l’athlète phénoménal qu’est Bronko Nagurski. Il se retire à International Falls et devient gérant d’une station-service (où, nouvelle légende urbaine, il gagne une clientèle fidèle parce qu’il serre les bouchons d’essence tellement fort qu’il est le seul pompiste à pouvoir les desserrer !). Il réapparaît en 1963, lorsqu’il a l’honneur de faire partie de la classe inaugurale du Hall Of Fame, à Canton.

Il fait une nouvelle sortie en 1984 pour lancer la pièce avant le Super Bowl XVIII opposant Washington et les Los Angeles Raiders, mais en règle générale il ne veut pas trop s’exposer. Il est vrai que, s’il atteint un âge avancé, sa qualité de vie est fortement dégradée par ses multiples problèmes physiques, et il vit en reclus, préférant que les gens se rappellent du superbe athlète qu’il était.

Bronko Nagurski décède au début de l’année 1990 à l’âge de 81 ans. Il aura été le premier coureur hors-norme et punitif de l’histoire de la NFL ; Jim Brown avant Jim Brown.