Fiche Légende : Joe Carr

Propriétaire / General Manager / Président

 

 

Présentation

 

GENERALITÉS
Nom complet Joseph Francis « Joe » Carr
Date de Naissance 22 Octobre 1879
Lieu de Naissance Columbus, Ohio
Date de Décès 20 Mai 1939
Lieu de Décès Columbus, Ohio
CARRIÈRE
Lycée
Université
Draft
Équipes Propriétaire / General Manager :
Columbus Panhandles (1907-1922)
Président :
NFL (1921-1939)
Statistiques
HONNEURS
Pro-Bowls
All-Pro
Performances notables
Récompenses
Hall Of Fame Classe de 1963

 

Biographie

 

Si le sport en lui-même doit tout à Walter Camp, le père qui a littéralement modelé les règles de base, alors la NFL doit tout à Joe Carr, son premier président de longue date (bien avant que le rôle de Commissioner ne soit défini). Il a pris une toute jeune ligue tremblotante, aux infrastructures fragiles et centrée sur quelques franchises au futur incertain, pour la solidifier en une ligue nationale possédant plusieurs équipes majeures dans les grandes villes du pays. Il aura oeuvré pour la survie de la NFL jusqu’à son dernier souffle, juste avant le début de la Seconde Guerre Mondiale ; si le chemin à faire après son décès sera lui aussi semé d’embûches, son travail incessant pour stabiliser la ligue et la faire exister face au football universitaire saura être utilisé par son successeur, Bert Bell.

Joseph Carr naît en tant que Joseph Karr en octobre 1879 à Columbus, dans l’état d’Ohio. Son père, Michael Karr, est un cordonnier qui a émigré d’Irlande en 1864 avant de changer son nom en « Carr » à la fin du XIXe siècle. Il épouse une fille d’immigrés irlandais comme lui, Margaret Hurley, et le couple met au monde sept enfants ; Joseph est le sixième. Comme ses frères et soeurs, il suit une courte scolarité à l’école de l’église Saint-Patrick puis à l’école de l’église Saint-Dominique.

Dès son plus jeune âge, et bien qu’il soit très loin d’être le plus athlétique, Joe Carr démontre un grand intérêt pour le sport et des qualités de leader né. Il organise parfois des rencontres entre les jeunes fils d’immigrés de son quartier ; comme beaucoup d’autres à travers le pays, ils essaient de s’intégrer le mieux possible en pratiquant les sports locaux : baseball, basketball, football. Mais bientôt, ces occupations sont remplacées par d’autres, plus pragmatiques : à 16 ans, alors que le jeune Joe rêve un instant d’entrer à l’Université, la réalité de la vie se rappelle à lui, et il prend un poste d’apprenti machiniste pour aider la famille à subvenir à ses besoins.

Sa diligence paye : grâce à sa bonne réputation dans les milieux d’origine irlandaise, il est engagé par les Chemins de Fer de Pennsylvanie, dans la succursale Panhandle basée à Columbus. Un peu plus tard, il obtient son nouveau nom (Joe Carr) et un autre job : éditeur assistant de la colonne sportive du Ohio State Journal. Une fois encore, c’est un poste bien moins prestigieux que le titre ne l’indique, et avec un salaire de misère, mais c’est le retour du jeune homme vers sa passion sportive ; il peut observer les arcanes du milieu, que ce soit sur le terrain (les sportifs) ou en dehors (les organisateurs et exécutifs)… et il se dit qu’il pourrait, lui aussi, y arriver.

Comme il l’a fait si souvent avec les jeunes de son quartier, il veut créer son équipe, et pour cela il va se servir d’un modèle très courant à l’époque : se servir des employés de l’entreprise où il travaille. Il propose à la société Panhandle un projet d’équipe de baseball composée de salariés, ce qu’elle accepte ; ainsi naissent les Panhandle White Sox (en l’honneur de la franchise de Chicago en Major League Baseball). En parallèle, une équipe de football se crée, les Columbus Panhandles, mais elle est fragile et ne joue que quelques matchs entre 1901 et 1904 avant de s’arrêter.

En 1907, fort de la réussite de son équipe de baseball qui est connue dans le pays entier, Carr demande à reprendre aussi l’équipe de football et obtient gain de cause. De nouveau, il va en faire un succès, grâce entre autres à la présence des cinq (jusqu’à six) frères Nesser : l’équipe devient très connue par sa qualité et par sa propension à jouer à l’extérieur ; non seulement cela évite d’avoir à louer un stade, mais de plus le fait de travailler pour les Chemins de Fer permet de ne pas payer les voyages.

Vers la fin des années 1910, le rêve d’une ligue professionnelle de football commence à prendre forme ; Carr en est un fervent supporter, tout en devenant secrétaire puis président de l’Ohio State Baseball League, une ligue mineure ; il prouve encore une fois son leadership dans le sport. Bien qu’il ne participe à aucune des réunions qui vont former l’American Professional Football Association (APFA) en 1920, les Columbus Panhandles font partie des équipes sélectionnées pour participer au championnat. La première saison se termine sans grande réussite pour la jeune structure, mais Carr s’implique bien plus et martèle sa conviction qu’elle peut survivre. Cela pousse l’APFA à l’élire président en 1921, à la place de l’emblématique joueur Jim Thorpe qui ne veut plus porter la double casquette. S’installer à la tête de l’APFA n’était pas vraiment un objectif de Carr, mais il embrasse sa fonction avec motivation.

Il commence par déménager les bureaux de l’association à Columbus, puis se met à régler divers problèmes qu’il a ciblés et qui minent le football professionnel : le manque de stabilité financière (sa propre franchise des Panhandles disparaît en 1922), des joueurs qui sautent d’une équipe à l’autre (souvent dans la même saison), aucun critère de classement et une frontière très floue entre amateurisme et professionnalisme ; certains joueurs universitaires participant sous des noms d’emprunt pour conserver leur éligibilité. Pour répondre à cela, Carr établit la première charte de l’APFA qui, entre autres, donne des droits territoriaux à chaque franchise, établit les critères de classement et surtout met en place le ban des joueurs universitaires pour calmer les relations tendues entre les deux mondes.

Ces différentes décisions vont rapidement être testées à tous les niveaux. En 1921, Carr doit faire face à une équipe des Green Bay Packers qui a utilisé des joueurs universitaires ; elle est radiée de l’association (avant d’être autorisée à revenir sous conditions). En 1922, l’APFA est renommée en National Football League (NFL), et Carr continue de travailler à sa consolidation financière, ce qui passe par l’établissement de franchises dans les grands marchés. En 1925, un triple scandale le met de nouveau face aux limitations de la ligue : le premier concerne la star universitaire Red Grange qui signe à Chicago avant même la fin de son cursus à l’Université d’Illinois ; un nouveau débauchage sauvage du monde professionnel sur le monde universitaire. Carr instaure la Grange Rule qui interdit aux joueurs de NCAA de signer en NFL avant d’avoir terminé leurs études.

Les deux autres sont liés au titre de champion NFL que se disputent les Pottsville Maroons et les Chicago Cardinals. Le 10 décembre, les premiers jouent un match d’exhibition contre les All-Stars de l’Université de Notre-Dame à Shibe Park, Philadelphie ; un stade qui se trouve sur le territoire d’une autre franchise NFL, les Frankford Yellow Jackets. Malgré les injonctions de Carr, le match a lieu, et la sanction tombe : Pottsville ne peut plus jouer de matchs jusqu’à la fin de la saison. En parallèle, les Cardinals, qui n’ont besoin que d’une victoire pour passer devant les Maroons et gagner le titre, organisent un match à la va-vite contre les Milwaukee Badgers qui ont monté une équipe de bric et de broc contenant notamment quatre lycéens. Il a lieu le 12 décembre et Chicago l’emporte ; furieux, Carr punit lourdement les Badgers… mais entérine le titre des Cardinals, créant une controverse qui ne s’éteindra jamais.

Malgré ce couac, il est indéniable que Carr et la NFL apprennent de leurs erreurs : le crédit et la solidité de la jeune NFL s’améliorent, même si tout n’est pas rose ; les rentrées d’argent restent très variables et les équipes disparaissent une à une. Mais cela n’est pas une mauvaise chose, car la ligue a besoin de se concentrer sur quelques franchises stables pour asseoir sa base et grandir ; le meilleur moyen est, encore une fois, de copier le modèle du baseball. En 1937, la ligue trouve enfin son assise avec dix équipes, et l’écrasante majorité est basée dans des villes qui possèdent également une équipe de MLB : Washington, New York, Pittsburgh, Brooklyn, Philadelphie, Chicago (deux équipes), Detroit et Cleveland ; Green Bay est l’exception. Carr s’assure que les propriétaires sont des personnes sérieuses et motivées qui pérenniseront l’avenir de la NFL dans la période difficile de la Grande Dépression.

Cependant, la ligue n’est pas la seule dans laquelle Carr s’investit. 1925 est une année très occupée pour lui : alors qu’il fait face à plusieurs scandales en NFL, il est un des instigateurs de l’American Basketball League (ABL), la première tentative d’une ligue professionnelle de basket ; il en est le président de 1925 à 1927 (elle durera jusqu’en 1955). L’année suivante, il devient président des Columbus Senators, un club de baseball de ligue mineure, jusqu’en 1931 ; l’équipe déménagera à Saint-Louis pour devenir les actuels Cardinals de la MLB.

Deux ans plus tard, en 1933, la National Association of Professional Baseball Leagues lui demande une refonte du système de ligues mineures en baseball ; il réussit à faire prospérer ce projet en passant de 12 ligues à 40, avec presque 280 équipes et une belle stabilité financière générale. Tout cela démontre que, non seulement Joseph Carr a été un élément moteur dans la survie de la NFL pendant ses premières années, mais il a également utilisé ses dons de leader charismatique et pragmatique dans d’autres sphères sportives.

Cela ne surprend personne quand il est réélu à la tête de la NFL en février 1939 à l’âge de 59 ans. Malheureusement, ce nouveau mandat ne fait pas long feu : déjà victime d’une crise cardiaque deux ans auparavant, Joseph Carr décède d’une deuxième, fatale, le 20 mai. Il laisse une NFL orpheline de son mentor et défenseur numéro un, mais bien plus stable qu’à ses débuts. Dans la foulée, son ami et propriétaire des Bears George Halas propose que le titre de meilleur joueur qui vient d’être créé porte son nom, le Joseph F. Carr Trophy ; il sera décerné de 1939 à 1946.

Lorsque la NFL décide de créer son propre Hall Of Fame, il ne fait aucun doute qu’un des premiers noms sur la liste des 17 immortels qui y entreront en 1963 est celui de Joe Carr ; il en devient de fait le membre né le plus tôt (1880). Carr a été le premier des grands patrons de la NFL, traçant le sillon dans lequel suivront Bert Bell et Pete Rozelle. Un leader visionnaire que l’on peut simplement résumer par le titre de la biographie qui lui a été consacrée en 2010 : The Man Who Built the National Football League (l’homme qui a bâti la NFL).