Fiche Légende : George Preston Marshall

Fondateur / Propriétaire

 

 

Présentation

 

GENERALITÉS
Nom complet George Preston Marshall
Date de Naissance 11 Octobre 1896
Lieu de Naissance Grafton, Virginie Occidentale
Date de Décès 9 Août 1969
Lieu de Décès Washington D.C.
CARRIÈRE
Lycée
Université Randolph-Macon, Virginie
Draft
Équipes Fondateur / Propriétaire :
Washington Redskins (1932-1969)
Statistiques
HONNEURS
Pro-Bowls
All-Pro
Performances notables
Récompenses 2 titres de champion (1937, 1942)
Hall Of Fame Classe de 1963

 

Biographie

 

Est-ce que le comportement de quelqu’un « hors du terrain » peut l’exclure du Hall Of Fame ? Si on établissait la liste des Immortels les plus controversés, l’exemple qui pourrait rapidement venir à l’esprit est celui du coureur des Bills O.J. Simpson qui a trempé dans une sordide affaire de double meurtre puis a été condamné pour vol à main armée. Néanmoins, tout cela est intervenu bien après sa carrière et son intronisation, ce qui allège un peu la responsabilité de Canton. En fait, celui qui occuperait à coup sûr le haut de la liste serait le fondateur et propriétaire des Washington Redskins, George Preston Marshall ; s’il a maintes fois aidé la ligue à grandir par sa qualité de visionnaire, il a également été le dernier bastion de la ségrégation et a activement lutté pour barrer la route des afro-américains en NFL.

George Preston Marshall naît en octobre 1896 à Grafton, dans l’état de Virginie Occidentale. Ses parents, Thomas Hildebrand « T. Hill » Marshall et Blanche Preston Marshall, sont originaires de Washington et publient le Grafton Leader, le journal local. Plus tard, la famille retourne à Washington où les Marshalls ouvrent une laverie, ce qui leur permet de bien gagner leur vie. Le jeune George grandit dans cet environnement et suit sa scolarité dans des lycées exclusivement blancs ; un élément qui va être capital dans son comportement par la suite. Adorant le sport, et particulièrement le football, il utilise ses qualités de leader à 14 ans pour former une équipe de football d’amis et organiser des matchs avec d’autres quartiers.

Impulsif et attiré par les paillettes, il décide de laisser tomber l’école pour tenter sa chance comme acteur, mais la Première Guerre Mondiale vient stopper ce rêve. Il intègre par la suite l’Université de Randolph-Macon, située à Ashland en Virginie, et reprend l’affaire familiale de laverie à Washington après la mort de son père en 1919. En 1926, bâtissant sur son expérience de créateur d’équipe quand il était jeune, il fonde le club de basket professionnel du Washington Palace Five (basé sur le nom de la laverie – Palace Laundry). Cette initiative ne dure que quelques années, mais elle représente un coup d’essai qui va être transformé un peu plus tard.

En 1932, Marshall s’associe avec trois autres investisseurs pour se proposer à la NFL ; la ligue répond favorablement en cédant au quatuor les droits d’une nouvelle franchise à Boston. Comme cela est souvent le cas à l’époque, l’équipe de football partage le stade de l’équipe de baseball, les Boston Braves, et prend le même nom. La première saison est une catastrophe : bien que l’équipe ne soit pas particulièrement mauvaise (4-4-2), les finances sont largement dans le rouge avec une perte de 46000$ qui poussent les trois partenaires de Marshall à se retirer de l’affaire sans demander leur reste. Mais lui ne sourcille pas et veut continuer l’aventure.

Sa première décision en tant que seul commandant à bord est de déménager l’équipe de Braves Field à Fenway Park, le stade de l’équipe des Boston Red Sox. Cela le force également à changer le nom de l’équipe pour le rendre un peu plus unique. Il veut conserver l’imagerie indienne qui allait avec le nom de Braves, et comme il partage le terrain des Red Sox, il arrête son choix sur Redskins ; contrairement à la légende, cela n’a donc rien à voir avec l’embauche d’un nouveau Head Coach, William « Lone Star » Dietz, qui aurait des racines Sioux (d’autant plus que ce fait est remis en question).

Quoi qu’il en soit, les Boston Redskins s’améliorent sur le terrain mais pas dans le tiroir-caisse : si l’arrivée du futur Hall Of Famer Ray Flaherty comme Head Coach booste la franchise qui arrive jusqu’en finale NFL en 1936 (perdue contre Green Bay), le public et la presse semblent ignorer cette réussite et les finances continuent de plonger. Furieux devant ce manque de soutien, Marshall orchestre un retour à la maison, déménageant l’équipe dans la capitale en 1937. Point très important, cela fait donc des Washington Redskins une des équipes les plus méridionales du pays, ce qui veut dire qu’elle baigne dans les anciennes régions pro-esclavage et fermement ancrées dans la ségrégation.

Il est déjà acté que Marshall est totalement en adéquation avec cela : en 1933, les propriétaires de NFL forment un accord tacite pour exclure tous les joueurs afro-américains présents ; un ban que Marshall lui-même a amorcé, utilisant tout son talent de persuasion pour amener à sa cause d’autres patrons de franchises bien loin de ces considérations, comme George Halas ou Tim Mara. Quand des journalistes soulèvent la question, sans avouer que cet accord existe, il répond qu’il ne fait que protéger les afro-américains qui pourraient être pris pour cible par les joueurs et les spectateurs.

C’est là toute l’ambigüité du personnage : alors qu’il est capable de racisme primaire, c’est également un promoteur extraordinaire qui est un des premiers à inviter le spectacle dans la NFL. Pour rendre la ligue professionnelle plus populaire, il importe un maximum l’ambiance universitaire avec un show à la mi-temps, des cheerleaders, un marching band ou une chanson d’équipe ; il est également un des premiers à installer la retransmission des matchs à la radio pour les diffuser dans tout le sud du pays.

Avec Halas, Marshall est également une des principales forces derrière plusieurs changements de règles : la séparation de la NFL en deux divisions pour instaurer une finale à partir de 1933, la promotion de la passe vers l’avant, le déplacement des poteaux au devant de l’en-but, les changements illimités, ou la création du All-Star Game (le Pro-Bowl). Et en parlant de passe vers l’avant, c’est un changement dont il va profiter directement dès la saison 1937 : Washington recrute la star de TCU, le futur Hall Of Famer Quarterback-Punter « Slingin' » Sammy Baugh. Le phénomène permet aux Redskins de remporter leur premier titre NFL et va faire les beaux jours de l’équipe par la suite.

Marshall voit sa franchise participer à quatre finales en 1940, 1942, 1943 et 1945, mais la première est la plus douloureuse de toute au plan personnel. Après une victoire étriquée et controversée 7-3 contre les Bears de Halas pendant la saison régulière, il déclare que les joueurs de Chicago sont des lâcheurs qui plient à la première résistance qu’on leur oppose. La franchise de l’Illinois va lui faire avaler ses paroles en finale avec la plus large défaite jamais vue en NFL, 73-0. Le propriétaire tient sa revanche en 1942 quand Washington bat Chicago en finale 14-6, utilisant à son tour la cuisante défaite de 1940 pour motiver ses joueurs. Une nouvelle finale est perdue en 1945, signifiant la fin de la belle époque.

Les Redskins retombent dans l’anonymat après cela, et la fin de la Seconde Guerre Mondiale semble éveiller les consciences américaines sur la question raciale ; en effet, de nombreux afro-américains ont combattu pour les États-Unis pendant le conflit. Lentement, les ligues sportives cèdent les unes après les autres, et la NFL suit le mouvement… mais le propriétaire de Washington continue de faire de la résistance, déclarant notamment en 1950 qu’il engagerait des Negroes quand les Harlem Globetrotters engageraient des blancs. En 1955, les Redskins sont la dernière équipe NFL à ne pas faire évoluer de joueurs afro-américains, refusant de suivre l’évolution de la ville elle-même. Mais lorsqu’on lui pose la question, Marshall continue de dire que l’équipe est située au sud du pays, donc elle engage des joueurs des Universités du sud, et que son marché est la population du sud.

Alors que l’équipe de Washington continue d’écumer les bas-fonds de la NFL, alignant deux saisons avec une seule victoire chacune en 1960 et 1961, la pression continue de monter sur Marshall de tous les côtés ; la presse ne l’épargne pas. C’est là qu’un événement majeur intervient : John F. Kennedy est élu président, et il se bat pour la fin de la discrimination raciale. Dans la nouvelle équipe, le Secrétaire de l’Intérieur Stewart Udall trouve un moyen de forcer la main du propriétaire : ce dernier vient de signer un bail de 30 ans avec le tout nouveau D.C. Stadium bâti sur des terres fédérales qui sont sous le contrôle, par définition, d’Udall. Le Secrétaire lance donc un ultimatum à Marshall, le sommant d’arrêter sa discrimination à l’embauche sous peine de ne pas pouvoir utiliser le stade. Le conflit monte rapidement en pression, mais l’intervention du Commissioner Pete Rozelle calme les esprits, et le propriétaire finit par céder.

Marshall, qui possède le premier choix de la draft 1962, engage son premier joueur afro-américain en la personne du coureur All-American de Syracuse Ernie Davis. Ce dernier refuse catégoriquement de jouer pour lui, demandant à être échangé ; il est finalement envoyé à Cleveland contre le futur Hall Of Famer Bobby Mitchell (l’histoire se termine tragiquement pour Davis qui, diagnostiqué quelques mois plus tard avec une leucémie, décède l’année suivante sans jouer un snap en NFL). Mitchell, lui aussi, a d’abord des réticences à jouer pour Marshall, mais il va donner son maximum pour l’équipe jusqu’à la fin de sa carrière en 1968.

Une fin de carrière que Marshall aura tout juste le temps de voir, mais dans un état limité. Le fondateur et propriétaire historique des Washington Redskins « provoque » une dernière polémique lorsqu’il est annoncé qu’il fait partie des 17 membres de la classe inaugurale du Hall Of Fame. Il fait une attaque deux semaines plus tard ; grandement affaibli par cet épisode, il décède finalement en août 1969 à l’âge de 72 ans, sans que son équipe n’ait réussi à redresser la barre depuis la fin des années 1940. Quand elle le fera finalement dans les années 1970 puis 1980, elle remportera trois Super Bowls en cinq finales, dont le titre de 1987 avec un certain Doug Williams… le premier Quarterback afro-américain à remporter le titre.

George Preston Marshall aura été une des figures les plus polarisantes de l’histoire de la NFL, jusque dans sa personnalité : capable à la fois d’être le boulet inarrêtable qui transforme la NFL pour le meilleur, et le poteau inamovible qui reste ancré dans ses préjugés pour le pire. Encore aujourd’hui, cette dichotomie est présente dans le nom même de l’équipe qui fait débat : volonté de rendre hommage aux nobles Indiens, ou terme insultant inacceptable ?