Fiche Légende : Red Grange

#77 – Running Back / Defensive Back

 

 

Présentation

 

GENERALITÉS
Nom complet Harold Edward « Red » Grange
Date de Naissance 13 Juin 1903
Lieu de Naissance Forksville, Pennsylvanie
Date de Décès 28 Janvier 1991
Lieu de Décès Lake Wales, Floride
CARRIÈRE
Lycée Wheaton, Illinois
Université Illinois
Draft Pas de draft à l’époque
Équipes Chicago Bears (1925)
New York Yankees (1926-1927) (AFL)
Chicago Bears (1929-1934)
Statistiques 8 saisons
96 matchs170 courses / 569 yards (3.3)
16 réceptions / 288 yards (18.0)
31 touchdowns
HONNEURS
Pro-Bowls Pas de Pro-Bowl à l’époque
All-Pro 3 (1930-1932)
Performances notables Leader en touchdowns cumulés (1932)
Récompenses 2 titres de champion (1932, 1933)
Membre de l’équipe NFL des années 1920
Numéro #77 retiré par les Bears
Hall Of Fame Classe de 1963

 

Biographie

 

Avant lui, le football universitaire était un sport lourd et confiné à des affrontements entre groupes de joueurs, comme deux buffles qui se rencontrent tête contre tête. Après lui, l’attaque, le mouvement, la vitesse et la puissance deviennent des atouts majeurs que les équipes recherchent. Avant lui, le football professionnel n’était qu’un cousin pauvre du football universitaire, un moyen d’avilir le noble sport en y introduisant la notion d’argent. Après lui, la NFL s’imagine un futur qui n’est plus si sombre et impopulaire. Avant lui, le joueur de football n’était pas une star médiatique. Après lui, les exploits sur le gridiron seront relatés avec moult détails et les gladiateurs admirés. Harold « Red » Grange n’a pas été le seul homme à sauver la jeune et faible NFL de la disparition, mais il est indéniablement en première ligne de ce groupe grâce à son implacable instinct pour le football, ses qualités athlétiques hors normes, et un monde en pleine transition à tout point de vue.

Harold Grange naît en juin 1903 à Folksville, dans l’état de Pennsylvanie. Il est le troisième des quatre enfants de Lyle et Sadie Grange ; le père travaille comme conducteur de travaux dans le bûcheronnage. Assez vite, les cheveux roux du jeune Harold lui procurent le surnom de « Red » (rouge), et il possède de bons gênes : son père est à la fois d’une stature imposante pour manier les troncs d’arbre et d’une grande agilité pour les faire rouler ; des qualités que le fils démontrera bientôt à tout le pays, même si les docteurs vont le mettre en garde contre toute activité physique à cause d’un souffle cardiaque.

Malheureusement, bien avant cela, il perd sa mère alors qu’il n’a que cinq ans. Cette disparition choque toute la famille, et Lyle décide de déménager à Wheaton ; il veut se rapprocher de ses frères et soeurs pour aider les enfants à surpasser la mort de leur mère. Les soucis financiers arrivent par la suite, poussant Lyle à déménager souvent et à envoyer ses deux filles avec les proches de leur mère ; il garde les deux garçons auprès de lui. Il se fait engager comme officier de police et va grimper les échelons jusqu’à devenir le chef de la police plus tard.

Le manque d’influence maternelle et le travail très prenant de son père laissent le jeune Harold souvent à lui-même, et il développe une grande timidité. Une bonne façon de vaincre cela est de se faire des amis, et de jouer dans les nombreux terrains vagues environnants ; le football et le basketball sont les sports favoris. Une autre manière est de travailler pour subvenir aux besoins de la famille : il prend un job de livreur de glace.

Lorsqu’il intègre le lycée de Wheaton, Grange participe aux équipes de football, basketball, baseball et d’athlétisme, et c’est à ce moment que ses grandes capacités athlétiques vont commencer à percer : il reçoit une distinction d’excellence pour chacune de ses quatre années dans chacun des sports qu’il pratique. Sur le gridiron, il score la bagatelle de 75 touchdowns (dont 36 comme junior) et 532 points, menant son équipe à une saison quasi-parfaite sa dernière année ; la seule défaite vient avec un prix bien lourd puisqu’il sort du terrain inconscient et mettra deux jours à se réveiller. Sur le tartan, il est champion du lycée en saut en hauteur (son année de sophomore), champion en 100 mètres et saut en longueur (son année de junior) et enfin champion en 220 mètres (son année de senior).

En 1922, Grange sort du lycée de Wheaton et fait le choix logique de poursuivre ses études à l’Université d’Illinois. Malgré ses exploits avec le ballon ovale pour Wheaton, le grand nombre de candidats (200) à l’équipe de football et leur gabarit moyen le refroidissent de premier abord ; il pense juste participer aux programmes de basket et d’athlétisme. Il faut la persuasion des membres de sa fraternité pour qu’il passe le test ; Red le réussit, et sa deuxième année il est même placé comme titulaire. Il réussit une saison remarquable avec 12 touchdowns qui permettent à Illinois de terminer invaincue et de remporter le titre.

Mais c’est la saison 1924 qui va définitivement le propulser au devant de la scène, avec notamment un match dantesque contre le rival Michigan : Grange commence par scorer un touchdown de 95 yards sur le retour de l’engagement, avant d’en ajouter un autre sur une course de 67 yards. Deux de plus interviennent après des chevauchées de 56 et 44 yards, portant la marque à 27-0 au bout de 12 minutes. Il clôt sa journée par une course puis une passe de touchdown pour un score final de 39-14. Cette performance légendaire de six touchdowns et 300+ yards contre les célèbres Wolverines, champions en titre et larges favoris, enthousiasme la presse ; le célèbre journaliste Grantland Rice compose un poème à sa gloire, alors que Warren Brown lui décerne le surnom de Galloping Ghost (le fantôme galopant), en référence à sa vitesse et à l’incapacité des adversaires de le plaquer.

Le joueur fait une autre performance fracassante en 1925 dans une victoire 24-2 contre la prestigieuse Université de Pennsylvanie, avec 363 yards et 3 touchdowns. Lorsqu’il termine sa carrière universitaire après seulement 20 matchs, il a accumulé presque 2900 yards et 31 touchdowns, a été voté All-American ses trois années, et surtout il a fait la couverture du Time, cimentant définitivement sa place comme star du football… et star tout court. Il tombe à point nommé pour développer une immense célébrité avec le développement des médias et la volonté des américains de se changer les idées suite à fin de la Première Guerre Mondiale.

Grange ne tarde pas à faire de nouveau la une des journaux, mais pour une raison bien moins noble cette fois. En parallèle de sa dernière année à Illinois, il s’associe au célèbre agent sportif et propriétaire de théâtre Charles C. Pyle, surnommé « C.C. » ou « Cash and Carry » (vente à emporter) tant il est habile à vendre ses clients ; Grange sera son client le plus illustre avec la tenniswoman française Suzanne Lenglen (qui a donné son nom au Court A de Roland-Garros). Dès la fin de son dernier match universitaire, il choque le pays entier en annonçant qu’il va rejoindre la NFL ; Pyle a négocié ses droits au plus offrant, et ce sont les Bears qui ont raflé la mise avec un contrat totalement indécent de 100,000$ (cela correspond environ à 1.4M$ en 2017).

C’est un tollé général : les médias et le public, qui considèrent le football professionnel comme avilissant et mercantile, critiquent vertement cette décision. Bien que, techniquement, Pyle n’ait enfreint aucune règle, les négociations étaient avancées bien avant la fin de la saison universitaire ; cela pousse le président de la NFL, Joe Carr, à édicter la Grange Rule stipulant que les clubs NFL ne peuvent signer les joueurs universitaires qu’une fois leur cursus terminé. Grange dira plus tard qu’il aurait probablement été moins critiqué s’il avait décidé de travailler sous Al Capone.

Mais il ne faut pas se leurrer une seconde : si Chicago compte bien bénéficier immédiatement des retombées médiatiques et financières de l’arrivée de la superstar Red Grange, le programmant pour une tournée gigantesque de 19 matchs, c’est bien la jeune ligue entière qui en a cruellement besoin ; née il y a juste cinq ans, elle peine à attirer du monde dans les stades. Le coup de publicité fonctionne : bien qu’il rate plusieurs matchs sur blessure, les gens veulent voir le phénomène en personne. Lors d’un déplacement à New York dans le mythique stade de Polo Grounds, les Bears affrontent les Giants devant environ 70000 personnes, ce qui aide à sauver la franchise locale grâce aux recettes. A la fin de sa première saison professionnelle, en 1925, Grange est loin d’avoir joué les 19 matchs de la tournée, mais cela ne diminue pas son empreinte sur la NFL.

Tout cela attise la convoitise de Pyle, qui pense pouvoir pousser le légendaire propriétaire-General Manager des Bears, George Halas, et son partenaire Dutch Sternaman à leur céder des parts dans l’équipe. Mais Papa Bear ne partage pas son bébé aussi facilement, et une dispute éclate entre les deux parties, poussant Grange et Pyle à quitter l’équipe dans une nouvelle décision qui crée un choc à travers le pays. Le duo ne s’arrête pas là : voulant se venger, il monte une ligue parallèle, l’American Football League (AFL), et une équipe, les New York Yankees. Cette dernière se débrouille plutôt bien, mais le reste de l’AFL n’est pas assez stable financièrement et la ligue disparaît seulement après un an d’existence. Tout n’est cependant pas perdu pour Grange, puisque les Yankees sont intégrés en NFL dès la saison suivante ; un exercice 1927 que le coureur termine sur une blessure au genou sérieuse qui va le forcer à rater la saison 1928.

Red Grange et George Halas

Il fait amende honorable et revient chez les Bears en 1929, où il est clair qu’étant toujours un bon joueur, cette blessure a néanmoins limité sa légendaire combinaison de vitesse et agilité ; il développe des capacités en défense comme Defensive Back pour compenser. Cela n’affecte en rien son importance dans l’équipe, puisqu’il est crucial dans les deux titres consécutifs de la franchise de Chicago. En 1932, alors que la NFL est forcée d’instaurer la toute première finale pour départager les Bears et les Portsmouth Spartans, à égalité à 7-1-6 en tête de la ligue, il reçoit la passe de touchdown de la victoire 9-0 ; une action controversée car beaucoup pensent que le passeur, Bronko Nagurski, n’était plus dans la zone de passe autorisée. En 1933, il réalise le plaquage de la victoire à quelques yards de son en-but dans un succès 23-21 contre les Giants.

Grange fait une dernière saison en 1934 dans laquelle les Bears atteignent une troisième finale consécutive, mais cette fois il ne peut faire des miracles pour vaincre les éléments et le sol gelé du Polo Grounds ; Chicago perd contre les Giants 30-13. Il décide alors de se retirer de la NFL. Bien que voté trois fois All-Pro, il n’aura peut-être pas eu le même impact sportif à Chicago qu’à l’Université d’Illinois, à cause de son passage en AFL et surtout de sa blessure au genou. Mais son véritable impact s’est trouvé ailleurs : il a apporté le glamour et le respect à une NFL qui en avait énormément besoin, légitimant la jeune ligue aux yeux d’un grand nombre. Pyle n’a d’ailleurs pas attendu pour capitaliser là-dessus, transformant le joueur en star de films et de publicités pendant sa carrière. C’est peut-être également pourquoi le joueur se reconvertit notamment comme commentateur sportif pour la NCAA et la NFL.

Les deux entités ne vont pas tarder à reconnaître le talent immense de Grange avec plusieurs distinctions : son numéro #77 est retiré par l’Université d’Illinois et les Bears, alors que la faculté dresse une statue à sa gloire devant le stade. En 1951, il fait partie de la classe inaugurale du College Hall Of Fame ; en 1963, même distinction de la part du NFL Hall Of Fame. En 1969, il est le seul joueur voté à l’unanimité par l’association des journalistes de football dans l’équipe des 100 ans de la NCAA, et beaucoup le considèrent encore comme le meilleur athlète universitaire de l’histoire. En 1978, il est choisi pour être le premier non-arbitre à lancer la pièce au début du Super Bowl (SB XII), une tradition qui perdure encore. En 2003, lorsque l’office américain des postes crée quatre timbres célébrant les premières gloires du football, il fait partie de la liste avec Walter Camp (le père du football), Bronko Nagurski et Ernie Nevers.

C’est un honneur que, sans surprise, Grange ne verra pas de son vivant. Après avoir travaillé dans les assurances, l’immobilier et être devenu conférencier, il montre des signes de la maladie de Parkinson ; le Galloping Ghost s’arrête définitivement de courir en janvier 1991 à l’âge de 87 ans, ayant largement eu le temps de voir ses successeurs bâtir sur sa réussite pour faire du football le sport #1 aux États-Unis.