Fiche Légende : Bert Bell

Head Coach / Propriétaire / Commissioner

 

 

Présentation

 

GENERALITÉS
Nom complet De Benneville « Bert » Bell
Date de Naissance 25 Février 1895
Lieu de Naissance Philadelphie, Pennsylvanie
Date de Décès 11 Octobre 1959
Lieu de Décès Philadelphie, Pennsylvanie
CARRIÈRE
Lycée Haverford
Université Pennsylvanie
Draft
Équipes Head Coach :
Philadelphia Eagles (1936-1940)
Pittsburgh Steelers (1941)
Propriétaire :
Philadelphia Eagles (1933-1939)
Pittsburgh Steelers (1940-1945)
Commissioner :
NFL (1946-1959)
Statistiques Record : 10-46-2
HONNEURS
Pro-Bowls
All-Pro
Performances notables
Récompenses
Hall Of Fame Classe de 1963

 

Biographie

 

Lorsqu’il décède en octobre 1959, De Benneville « Bert » Bell a tout juste eu la chance d’assister de son vivant au Greatest Game Ever Played, la finale NFL de 1958 entre les Baltimore Colts et les New York Giants ; le premier match télévisé au niveau national, et la première rencontre terminée à la mort subite en prolongations. Si l’on en croit les témoignages, la vive émotion du patron de la ligue à la fin du match prouve une chose : il savait qu’il avait touché au but, et que son travail d’arrache-pied pour bâtir sur l’oeuvre de son prédécesseur, Joe Carr, avait enfin payé ; les germes étaient plantés et rien ne pourrait empêcher la NFL de devenir la ligue professionnelle #1 aux États-Unis sous la tutelle de son illustre successeur, Pete Rozelle.

De Benneville Bell naît en février 1895 à Philadelphie, dans l’état de Pennsylvanie. Son prénom plutôt inhabituel provient de sa mère, Fleurette de Benneville Myers, dont la famille remonte bien avant la révolution américaine. Son père, John Cromwell Bell, est un avocat connu de Philadelphie qui deviendra quelques années plus tard Procureur Général de l’état de Pennsylvanie ; autant dire que le jeune garçon et son grand frère sont assurés de grandir dans un environnement aisé. Mais le père fait plus que subvenir aux besoins de la famille : il initie Bert au football dès son plus jeune âge, ce qui le pousse à y jouer avec ses amis. Il va vite s’avérer que Bell est plus à son avantage dans le sport que dans les études : si ses résultats en classe ne sont pas extraordinaires, il est plus doué sur un terrain, que ce soit en football, baseball ou basketball.

Il rejoint l’école préparatoire de Haverford en 1911 et en sort en 1914, après quoi sa voie est toute tracée : son père, ancien de l’Université de Pennslyvanie, est le directeur athlétique de l’institut ; il est un des acteurs de la création de la National Collegiate Athletic Association (NCAA) et siège à l’Intercollegiate Football Rules Committee (IRC) qui modèle les règles du football universitaire. Avec un tel géniteur, il semble impossible que son propre fils ne soit pas 1) un membre de Penn et 2) un membre d’une équipe de football. C’est ce qui arrive : Bell occupe le poste de Quarterback de l’équipe, mais aussi ceux de défenseur, Punter et Punt Returner.

Sa carrière universitaire est néanmoins mouvementée : il doit attendre 1915 pour avoir une chance de jouer en partageant les snaps, une situation qui se poursuit en 1916 ; il parvient quand même à aider les Quakers à atteindre le Rose Bowl début 1917 (perdu 14-0 contre Oregon). En 1917, Bell est mobilisé pour participer à la Première Guerre Mondiale : il fait partie d’une unité médicale mobile de l’armée américaine sur le front français. Dès son retour en mars 1919, il n’est plus aussi bon sur le terrain, mais ce n’est pas le plus gros problème : il ne s’est jamais départi de son antipathie pour les salles de classe, ce qui le force à arrêter ses études avant même d’obtenir un diplôme. Autant dire que cette décision n’est pas du goût de son père, bien qu’il n’y ait pas que du négatif dans la situation puisque le jeune Bell a démontré les qualités d’un leader, que ce soit sur le terrain ou sur le champ de bataille.

Toujours est-il qu’il sort de l’Université sans preuve de sa réussite, et qu’il doit trouver une occupation. Il décide de monter une équipe de football, les Stanley Professionals, dont il est également joueur, mais l’expérience ne dure que quelques semaines suite au scandale de la finale de baseball 1919 : des joueurs des Chicago Black Sox ont accepté de perdre le match contre des pots-de-vin ; cela discrédite le sport professionnel et Bell annule tout, ne voulant pas être scruté à chaque action litigieuse. Il retourne à son alma mater pour prendre un poste de coach assistant dans l’équipe du légendaire John Heisman (celui qui donnera son nom au Heisman Trophy). Il y reste jusqu’en 1928, demandant sa démission en protestation aux pratiques d’entraînement d’un ancien partenaire Quaker et autre assistant coach, Lud Wray.

Pendant cette période, il fréquente les milieux hippiques et en profite pour faire la connaissance des futurs propriétaires NFL tels Tim Mara, Art Rooney ou George Preston Marshall. C’est ce dernier qui lui demande s’il ne serait pas intéressé par sa propre équipe NFL, une éventualité rapidement refusée par Bell qui voit la ligue comme un produit inférieur (ce qui était l’avis général à l’époque). Mais il va rapidement changer d’avis pour une bonne raison : il n’a toujours pas d’objectifs dans la vie ; après son passage à Penn, il a travaillé au Ritz puis a été un courtier en bourse frappé par le krach boursier de 1929, avant de redevenir coach assistant à l’Université de Temple. De Benneville Bell est un dilettante à qui son père décide de couper les vivres pour lui faire passer le message.

http://www.profootballhof.com/assets/1/26/Bell_Bert_HS_180-220.jpg?432Il change d’avis sur la NFL et se dit qu’après tout, pourquoi ne pas porter sa passion du football dans cette jeune ligue ? Mais il y a un gros écueil à écarter avant cela : l’état de Pennsylvanie a établi les blue laws, des lois qui interdisent tout ou partie d’activités le dimanche (le jour du Seigneur) ; pour que Philadelphie ait son équipe, il faut que ses blue laws soient assouplies. Bell devient un farouche militant et le mouvement obtient gain de cause ; dans la foulée, il emprunte 2500$ à sa future femme, la star de cabaret Frances Upton, et s’associe avec nul autre que Lud Wray pour racheter les Frankford Yellow Jackets de NFL qui sont en banqueroute (Frankford est un quartier de Philadelphie). En l’honneur de l’aigle qui est l’emblème de la National Recovery Administration, pierre angulaire du New Deal du président Franklin D. Roosevelt, Bell et Wray renomment l’équipe les Philadelphia Eagles.

Le nouveau propriétaire retrouve des têtes connues parmi ses semblables : Mara (Giants), Rooney (Pittsburgh) ou Marshall (Washington), ce qui lui permet d’avoir un certain poids dans la ligue. Après deux premières saisons très compliquées où les Eagles ne décollent pas au niveau des résultats, il se rend compte qu’il n’arrive pas à attirer les talents universitaires, ni le public. Il réfléchit alors à un moyen d’amener un peu plus de parité dans la ligue, et trouve un système : classer les équipes à la fin de la saison dans l’ordre ascendant des résultats (les plus mauvais d’abord) et leur donner priorité pour choisir les nouveaux joueurs. On pourrait penser qu’une telle proposition ferait bondir les franchises au sommet de la ligue, mais au contraire, les propriétaires sont assez malins (et bien persuadés par Bell) pour comprendre que sans une meilleure parité, la ligue en tant qu’entité ne pourra pas survivre. C’est la naissance de la draft NFL, la première ayant lieu en 1936.

Néanmoins, cela n’améliore pas les résultats des Eagles sur la pelouse : les pertes financières forcent Bell à devenir propriétaire unique en 1936 ; il est même obligé d’entraîner en 1940 dans une saison catastrophique à 1-10. C’est alors qu’il apprend que son ami et « voisin d’état » Art Rooney veut vendre la franchise de Pittsburgh ; il perd autant d’argent que lui pour le même retour sur investissement sur le terrain (nul). Bell assiste la vente des Steelers à l’entrepreneur de New York Alexis Thompson et fait entrer Rooney dans le capital des Eagles. Par la suite, l’éloignement de Thompson par rapport à Pittsburgh et les regrets de Rooney poussent un échange très inhabituel de franchises : Thompson se retrouve avec les Eagles, Rooney récupère la possession des Steelers et Bell en devient le Head Coach. Cela ne durera que deux matchs en 1941 après quoi ce dernier est forcé de démissionner, terminant sa courte carrière d’entraîneur NFL avec le deuxième pire record de l’histoire pour au moins cinq saisons (10-46-2, soit 19% de victoires).

Bell n’est pas fait pour entraîner, mais pour diriger, et les circonstances vont le placer dans cette position. Au milieu des années 1940, la NFL doit survivre à la Seconde Guerre Mondiale qui vide les équipes de leurs talents, et à l’établissement d’une ligue concurrente agressive sur le plan salarial, l’All-American Football Conference (AAFC). Ce dernier point demande un patron de la ligue intransigeant, ce qui ne semble pas être le cas d’Elmer Layden, élu après l’intérim de Carl Storck suite à la mort du légendaire premier président, Joe Carr. Layden pose sa démission en 1946, conscient qu’il n’est pas l’homme de la situation ; Bell est immédiatement élu comme Commissioner, le nouveau poste que Layden avait inauguré (précédemment on parlait juste de Président). Bien entendu, Bell vend immédiatement ses parts dans les Steelers pour devenir neutre.

De suite, le nouveau Commissioner de la ligue va devoir faire face à de nombreux obstacles ; à l’extérieur d’abord, avec la présence de l’AAFC qui menace de tourner le conflit avec la NFL en course à l’armement à grands renforts de dollars, mais aussi avec la Canadian Football League (CFL), la ligue de football canadienne. C’est le conflit avec l’AAFC qui va avoir le plus d’impact sur la NFL, puisqu’en 1949, Bell parvient à négocier l’arrêt de l’escalade salariale, et la fusion des deux entités. Trois franchises, les Cleveland Browns, San Francisco 49ers et Baltimore Colts (différents de ceux qui viendront à indianapolis), rejoignent la grande ligue ; les divisions sont recomposées.

Mais les soucis se trouvent également à l’intérieur : Bell fait rapidement des jeux d’argent et de la corruption les ennemis de la ligue. A la veille de la finale 1946, un scandale de paris éclate dans lequel sont mouillés deux finalistes, les Giants Frank Filchock et Merle Hapes. Il sévit avec une amende pour le premier et une suspension pour le second, mais fait plus : il inscrit des lois anti-jeux d’argent dans le règlement, et il fait un lobbying intensif pour que les autres sports aient la même rigueur, forçant tous les athlètes à dénoncer les tentatives de corruption.

Par la suite, il continue d’affronter les problèmes en restant fidèle à sa volonté inébranlable de rendre la ligue la plus équitable possible ; il a cette célèbre déclaration :

N’importe quel dimanche (On any given sunday), une équipe peut battre une autre équipe.

Avant chaque saison, il crée lui-même le calendrier de manière à le rendre intéressant le plus longtemps possible ; sa tactique est de faire s’affronter les équipes de même niveau dès le début pour que les différences ne soient visibles qu’à la fin. Lorsqu’il se rend compte de la disparité de revenus entre les équipes, il parvient à convaincre les propriétaires de mettre en place un système de revenus partagés pour aider les équipes dans les marchés plus restreints. Lorsqu’il voit que les Los Angeles Rams ont du mal à remplir leur stade, il invente la règle du blackout télévisuel qui interdit la diffusion d’un match de l’équipe locale.

Il commet néanmoins quelques erreurs : en 1956, la ligue perd le procès Radovich vs NFL, intenté par William Radovich suite à son éviction de la NFL pour avoir joué en AAFC. L’avenir des joueurs en fin de contrat est un sujet épineux qui revient sur le tapis et qui pousse la création de la National Football League Players Association (NFLPA), l’association des joueurs NFL. Bell la reconnaît et accepte de négocier avec elle, mais sans en informer les propriétaires qui sont furieux ; un compromis est finalement trouvé.

En 1958, Bell voit l’accomplissement de tout son travail : la finale NFL est un parterre de stars avec 17 futurs Hall Of Famers entre les Baltimore Colts et les New York Giants. C’est non seulement le premier match retransmis à la télévision nationale, mais c’est également le premier match à aller en prolongations à la mort subite ; encore une règle que le Commissioner avait poussé à adopter. Lorsque Baltimore remporte The Greatest Game Ever Played dans un final d’anthologie, il sait que la combinaison entre la dramaturgie du football et l’impact de la télévision n’est qu’au début de son essor, et qu’il a probablement permis aux joueurs de poser une des pierres les plus importantes du football aux États-Unis.

Quelques mois plus tard, en février 1959, la mort de son ami Tim Mara lui fait un choc et il subit une crise cardiaque dont il réchappe. Le 11 octobre, il s’installe à Franklin Field pour assister à un match de « ses » Eagles contre « ses » Steelers. En plein milieu du dernier quart-temps du derby de Pennsylvanie entre les deux équipes dont il a été le propriétaire, une deuxième crise cardiaque le foudroie ; il décède plus tard dans la journée. C’est l’abattement en NFL : si Joe Carr a été vital pour l’organisation et la survie de la NFL dans ses premières heures et pendant la Grande Dépression, Bell a été vital pour la consolider et lui faire traverser l’après-guerre, avec cette ouverture fantastique sur l’extérieur que représente la télévision ; un domaine dans lequel son successeur Pete Rozelle ne va pas tarder à s’engouffrer (après un court intérim d’Austin Gunsel).

Quatre ans plus tard, la NFL ouvre son Hall Of Fame à Canton, et il est évident que De Benneville Bell est un des premiers noms placés sur la liste des 17 immortels de la classe inaugurale ; après des tâtonnements pour trouver sa carrière, il n’aura eu de cesse de rendre la ligue toujours plus paritaire pour assurer sa popularité.