Match de Légende : The Ice Bowl
La présentation
| Match | Dallas Cowboys @ Green Bay Packers |
| Lieu | Lambeau Field |
| Date | 31 Décembre 1967 |
| Occasion | Finale du championnat NFL |
La situation
En cette fin des années 1960, la fusion entre la NFL et sa concurrente l’AFL est actée pour 1970, mais pour beaucoup la véritable finale du football professionnel n’est pas celle entre les champions des deux ligues; c’est plutôt la finale NFL.
Dans la ligue majeure, les Packers de Green Bay et les Cowboys de Dallas sont probablement les équipes les plus fortes en cette fin de décennie. Elles se sont déjà affrontées l’année précédente, en 1966, pour la couronne de champion NFL : les Packers l’ont emporté 34-27 avant d’aller gagner Super Bowl I facilement contre les Kansas City Chiefs de l’AFL 35-10.
C’est une opposition symbolique : elle met aux prises deux légendes au poste de Head Coach, Vince Lombardi à Green Bay et Tom Landry à Dallas (photo). Coïncidence amusante, c’est l’affiche phare d’une NFL qui est devenue le sport #1 aux Etats-Unis principalement grâce à l’impact d’une autre finale NFL, celle de 1958, surnommée The Greatest Game Ever Played… et dans laquelle les deux coachs participaient en tant que Coordinateurs Offensif et Défensif chez les Giants.
Les Packers visent le triplé après avoir gagné le titre NFL en 1965 et 1966. Leur saison 1967 est moins bonne que les précédentes à cause de l’âge et des blessures, mais ils arrivent quand même à gagner la Central Division à 9-4-1. Ils ont ensuite battu les Rams en finale de Western Conference 28-7 grâce à une défense féroce et une attaque efficace.
Les Cowboys veulent prendre leur revanche sur la défaite en 1966, et ils ont fini avec un record à peine inférieur à celui de Green Bay (9-5) en tête de la Capitol Division. Ils ont ensuite atomisé les Browns de Cleveland en finale d’Eastern Conference 52-14, menés par leur défense intraitable, la Doomsday Defense.
Tout semble prêt pour la seconde manche entre les deux équipes… sauf qu’un acteur surprise va s’inviter le jour du match : un froid polaire s’abat sur la ville de Green Bay. Au début du match, il fait -15°F (-26°C) avec des rafales de vent à -48°F (-44°C, même si le nouvel index mis en place en 2001 fait monter la température à -36°F soit -38°C) !
Mais on n’annule pas un match de NFL, surtout télévisé, et surtout une finale aussi attendue que celle entre ces deux équipes, donc il a bel et bien lieu.
Le match
QUART-TEMPS 1
Le temps est une véritable catastrophe, et ce pour tout le monde. Le terrain est complètement gelé parce que le tout nouveau chauffage situé en-dessous n’a pas marché à cause du froid (un comble). Certains Packers, pourtant habitués des lieux, veulent à tout prix jouer avec des gants contre l’avis de Lombardi. Les Cowboys sont frappés de plein fouet par ce temps sibérien; le receveur Bob Hayes, par exemple, passe la première mi-temps les mains dans son manchon, incapable de courir ses routes. Les officiels eux aussi subissent les conditions : la première fois que l’arbitre en chef Norm Schachter utilise son sifflet, il reste collé à ses lèvres; il décide de bannir l’utilisation du sifflet et les arbitres se retrouvent à hurler le début et la fin des actions. Pour la même raison, la fanfare des Packers ne peut pas jouer de leurs instruments (problème avec les cuivres).
Et pourtant, malgré tout ça, le match se déroule à guichets fermés. Il y a 50861 personnes qui sont dans les travées à encourager Green Bay; s’ils n’ont pas le luxe de pouvoir bouger pour se réchauffer, au moins ils ont la bière, ce qui aide un peu.
Les Cowboys ont la première possession du match, mais ils rendent rapidement la balle sur un punt. A l’inverse, les Packers démarrent offensivement avec un modèle du genre : bien aidé par deux pénalités de Dallas, le Quarterback Bart Starr achève un drive de 82 yards en 9 minutes sur une passe de touchdown à Boyd Dowler.
| Dallas 0 – Green Bay 7 |
Le second drive des visiteurs est à peine mieux que le premier, et ils doivent de nouveau punter à l’entrée du 2e quart-temps.
QUART-TEMPS 2
La franchise texane semble tétanisée par les conditions, et la situation ne va pas s’améliorer sur le drive suivant des Packers : après deux courses de Ben Wilson et Travis Williams, Starr lâche son bras et trouve Doyler sur une longue passe de 46 yards; le receveur termine dans l’en-but et score son deuxième touchdown du match.
| Dallas 0 – Green Bay 14 |
Green Bay mène 14-0 après à peine plus de 16 minutes de jeu, et Dallas semble avoir le moteur complètement givré.
Pour ne rien arranger, un bon retour de kickoff de Dallas est annulé lorsque le Quarterback de Dallas Don Meredith est intercepté par le Cornerback Herb Adderley. Les joueurs du Wisconsin se retrouvent alors sur les 32 yards des Cowboys, menaçant de faire définitivement l’écart. Mais la défense de Dallas répond enfin présente : le second sack du Defensive End George Andrie sur Starr survient sur 3e tentative, ce qui éloigne suffisamment les Packers pour les empêcher de tenter le Field Goal.
C’est le signal du réveil de la Doomsday Defense : après un échange de punts, les Packers sont acculés à leur en-but. Starr est de nouveau sacké par le Defensive End Willie Townes, et son partenaire Andrie récupère la balle; il remonte 7 yards pour marquer le premier touchdown des Boys.
| Dallas 7 – Green Bay 14 |
Par la suite, les deux escouades défensives font leur travail successivement, et un nouveau tournant intervient deux minutes avant la mi-temps : lors d’un punt de Dallas, Willie Wood fumble le cuir qui est récupéré par un rookie des Cowboys, Phil Clark. Cette courte possession amène un Field Goal réussi, et autant dire que c’est très bien payé vu que l’attaque n’a pas produit un seul First Down en 2e quart-temps.
| Dallas 10 – Green Bay 14 |
QUART-TEMPS 3
Après un punt des Packers dès le retour des vestiaires, les Cowboys avancent enfin en attaque, grâce notamment au coureur Dan Reeves. Malheureusement, leur long drive se termine mal : Meredith (photo) tente de courir pour échapper à la pression, mais il est rattrapé par le Linebacker Lee Roy Caffey qui force un fumble récupéré par Adderley. Néanmoins, cela ne change pas la donne du match, car c’est au tour de l’attaque de Green Bay d’être complètement enrayée par la Doomsday Defense.
Un nouveau drive des Cowboys avance en terre Packer, mais Meredith est encore une fois sacké par Caffey sur 3e tentative. Dallas est en position pour un Field Goal de 47 yards, mais les conditions dantesques rendent la tentative compliquée, et Phil Villanueva est bien trop court.
Finalement, ce quart-temps ne voit aucun point, ce qui est très dommageable pour Dallas qui avait réussi à inverser la tendance.
QUART-TEMPS 4
Après un nouveau punt des locaux, les visiteurs se retrouvent avec la balle au début du dernier quart-temps. Ils décident de forcer le destin avec les trick plays chers à Landry : Meredith remet à Reeves qui envoie une longue passe sur Lance Retzel. Le receveur, tout seul, marque un touchdown de 50 yards qui permet aux Cowboys de prendre l’avantage pour la première fois du match; après 14 points de suite pour Green Bay, Dallas vient de répondre avec 17 points.
| Dallas 17 – Green Bay 14 |
L’élan est clairement du côté des texans, et cela continue sur le drive suivant : malgré une pénalité en leur faveur, les Packers ratent à leur tour un Field Goal de 40 yards.
La défense des vert et or tient la pression, et force un punt qui redonne la balle à l’attaque sur ses 32 yards avec 4:50 à jouer; cela fait quasiment deux quart-temps et demi qu’elle ne fait plus grand-chose. Starr décide alors de changer de mode d’attaque pour prendre à revers la défense homme-à-homme des Cowboys : il passe à ses deux coureurs, Mercein et Donny Anderson. La tactique marche : trois passes à Anderson, une à Mercein et une à Dowler permettent à Green Bay de se rapprocher de la endzone. Après une course de Mercein et une d’Anderson, les joueurs du Wisconsin se retrouvent en 1e&10 sur les 3 yards des Cowboys. Green Bay revient au sol, mais deux courses d’Anderson sont stoppées à 1 yard de l’en-but; la seconde parce que le coureur a glissé sur le terrain gelé. Nous sommes donc en 3e tentative et 1 yard à gagner alors qu’il reste 16 secondes à jouer, et Starr demande un temps mort… le dernier des Packers.
Dans cette situation, la solution la plus simple est de taper un Field Goal pour égaliser et aller en prolongations. Mais Starr a une autre idée : il demande à son Guard Jerry Kramer s’il a de la traction même avec la glace, et Kramer répond positivement. Starr s’approche alors de Lombardi et lui dit qu’il veut tenter un 31 Wedge, une tactique de course, mais avec une différence : au lieu de remettre la balle au coureur, il veut y aller lui-même pour empêcher que son partenaire ne glisse. Et pour être sûr de garder l’effet de surprise, Starr ne veut même pas avertir ses propres partenaires sur ce détail.
Lombardi ne réfléchit pas très longtemps et répond :
OK, fais-le, et qu’on se tire de là !
Les deux équipes se remettent en place. Starr appelle le début de l’action : la paire formée par le Guard Jerry Kramer et le Centre Ken Bowman plongent en avant pour bloquer le Defensive Tackle Jethro Pugh, ouvrant la voie à un Bart Starr qui se propulse dans l’en-but. Le plus surpris sur l’action est probablement Chuck Mercein, qui s’attendait à recevoir la balle de Starr, mais il a un bon réflexe : il lève les mains pour bien montrer qu’il n’a pas poussé son Quarterback, ce qui est interdit.
| Dallas 17 – GREEN BAY 21 |
Les Packers prennent l’avantage à 13 secondes de la fin dans un délire général à Lambeau Field. Quelques secondes plus tard, la dernière tentative des Cowboys ne donne rien, et les Packers emportent le titre de champion NFL une troisième année de suite, un record toujours inégalé.
Les conséquences
Un peu plus tard, Pugh, devenu (injustement) le souffre-douleur de tous les fans des Cowboys pour cette action, soutiendra que Kramer est parti avant la remise en jeu de Bowman. Quelques années après, en revoyant image par image, Kramer concèdera qu’en effet il commence à bouger une fraction de seconde avant le snap, mais c’était compliqué à voir en temps réel pour des arbitres complètement frigorifiés.
Quoiqu’il en soit, les Packers rentrent définitivement dans la légende de la NFL avec cette victoire et ce troisième titre NFL consécutif (la seconde fois qu’ils le font dans leur histoire, après 1929-1931 sous Curly Lambeau). La victoire au Super Bowl II contre les Raiders (33-14) ne fera que cimenter un peu plus le mythe des Packers et de leur coach Vince Lombardi qui se retire du poste de coach à la fin de l’année.
Néanmoins, si l’Ice Bowl représente un merveilleux souvenir pour les Packers et un mauvais pour les Cowboys, il marque surtout l’inversion future du rapport de force entre les deux équipes : après cette saison, Green Bay devient une équipe vieillissante et commence une traversée du désert terrible pendant les années 1970 et 1980, alors que Dallas devient une machine à aller au Super Bowl dans les années 1970 avec cinq voyages pour la grande finale.
Enfin, à l’instar du Greatest Game Ever Played, l’Ice Bowl a lui aussi vu une pléiade de futurs Hall Of Famers « s’affronter » avec 15 :
- Green Bay Packers :
- Head Coach Vince Lombardi
- Quarterback Bart Starr
- Offensive Lineman Forrest Gregg
- Defensive Lineman Willie Davis
- Defensive Lineman Henry Jordan
- Linebacker Ray Nitschke
- Linebacker Dave Robinson
- Cornerback Herb Adderley
- Defensive Back Willie Wood
- Dallas Cowboys :
- General Manager Tex Schramm
- Head Coach Tom Landry
- Offensive Lineman Rayfield Wright
- Wide Receiver Bob Hayes
- Defensive Lineman Bob Lilly
- Defensive Back Mel Renfro
La box score
| Equipes | QT1 | QT2 | QT3 | QT4 | Final |
| Dallas Cowboys | 0 | 10 | 0 | 7 | 17 |
| Green Bay Packers | 7 | 7 | 0 | 7 | 21 |