L’Histoire du Football Professionnel

Sommaire :

  1. Introduction
  2. La Décennie 1920
  3. La Décennie 1930
  4. La Décennie 1940
  5. La Décennie 1950
  6. La Décennie 1960
  7. La Décennie 1970
  8. La Décennie 1980
  9. La Décennie 1990
  10. La Décennie 2000
  11. La Décennie 2010

 

Introduction

 

Nous sommes à la fin des années 1910. Le football universitaire est roi, et les étudiants se battent entre eux pour la gloire de leur faculté. La popularité du sport pousse certains clubs indépendants à monter leur propre équipe et à se battre contre d’autres clubs indépendants. C’est de là qu’est venue une première quelques années plutôt.

Le 13 Novembre 1892, l’Allegheny Athletic Association affronte le Pittsburgh Athletic Club au Pittsburgh Recreation Park. Cette rencontre a une particularité : le Guard d’Allegheny, William « Pudge » Heffelfinger (photo), ancien Guard de Yale, a reçu 500$ + 25$ pour ses dépenses afin de jouer la partie. Il marque les seuls points du match, et Allegheny l’emporte 4-0.

C’est le début du football professionnel.

Dans les années qui suivent, les manoeuvres de ce genre se multiplient, mais dans la confusion générale : il n’y a aucune réglementation, les joueurs vont d’une équipe à une autre, les étudiants sortis d’université sont courtisés sans vergogne et les calendriers sont totalement aléatoires. C’est alors que les acteurs du sport se rendent compte de deux choses : 1) il y a un marché pour le football professionnel et 2) il faut absolument le réglementer pour étendre son influence.

 

La Décennie 1920

 

La naissance d’une ligue (1920)

 

A Decatur dans l’état d’Illinois, un jeune employé de la société A.E. Staley, George Halas (photo), souhaite monter une équipe de football logiquement nommée les Decatur Staleys. Son employeur accepte, et Halas se demande de suite comment rencontrer d’autres équipes. Il décide alors d’écrire à Ralph Hay, le manager de l’équipe des Canton Bulldogs, en lui demandant si cela l’intéresserait de monter une ligue. Hay apprécie la suggestion, et il prend les devants.

Le 20 août 1920, sept représentants se rassemblent à Canton, dans l’Ohio, sous l’égide de Hay ; ils font partie de quatre équipes : les Canton Bulldogs, les Akron Pros, les Dayton Triangles et les Cleveland Indians. Ces hommes discutent et finissent par tomber d’accord pour créer la première ligue professionnelle, l’American Professional Football Conference (APFC).

http://www.profootballhof.com/assets/1/26/Thorpe_Jim_HS_180-220.jpg?399Le 17 septembre, une réunion un peu plus formelle a lieu, toujours à Canton, et aux quatre équipes ci-dessus viennent se joindre les Decatur Staleys de Halas, les Hammond Pros, les Massillon Tigers, les Muncie Flyers, les Racine Cardinals, les Rochester Jeffersons et les Rock Island Independants. Le nom de la ligue est rapidement changé en American Professional Football Association (APFA) et c’est le joueur vedette Jim Thorpe (photo), ancien médaillé d’or du décathlon / pentathlon aux Jeux Olympiques de 1912 et membre des Bulldogs, qui est nommé président.

A la suite de la création de l’APFA, quatre nouvelles équipes arrivent : les Buffalo All-Americans, les Chicago Tigers, les Columbus Panhandles et les Detroit Heralds. Tout cela semble encore un peu fragile, et les matchs extra-APFA sont toujours autorisés, mais au moins la ligue a le mérite d’exister. Le premier match concernant une équipe de l’APFA est joué le 26 septembre entre Rock Island et St. Paul, une équipe hors-ligue ; Rock Island l’emporte facilement 48-0. Le premier match de l’APFA en tant que telle est joué le 3 octobre entre Dayton et Columbus ; Dayton l’emporte 14-0.

La ligue est jeune, certaines équipes disparaissent et peu de joueurs sont liés par contrat avec leur club : certains jouent donc plusieurs matchs par semaine avec des équipes différentes. Le premier championnat voit la victoire des Akron Pros, seule équipe invaincue. Mais de nombreux dysfonctionnements ont lieu car Thorpe ne peut pas jouer et diriger ; de plus, les affaires extra-football ne l’intéressent guère. On nomme donc Joe Carr, un journaliste sportif et manager de Columbus, comme président de l’APFA.

Carr crée plusieurs règles, dont celle qui interdit aux joueurs d’intégrer plusieurs équipes. Sauf que cette règle contient le terme exact de association team et non de football team, ce qui signifie que les joueurs peuvent toujours intégrer une équipe de l’APFA et X équipes hors APFA. Arda Bowser, un membre des Canton Bulldogs, explique par exemple comment il a pu jouer quatre matchs en quatre jours sous trois noms différents ; soit 4*60 minutes en un grand week-end, car il jouait en attaque et en défense !

 

Des débuts difficiles (1921-1924)

 

En 1921, les Green Bay Packers, une franchise du Wisconsin montée par Earl « Curly » Lambeau (photo), obtiennent une place dans l’APFA. Pendant ce temps, les Decatur Staleys se sont renommés les Chicago Staleys et ils ont le même record que les Buffalo All-Americans : 90% de victoires. Carr donne le titre aux Staleys du président-coach-joueur Halas car ils ont battu Buffalo 10-7 lors du match retour entre les deux clubs. En effet, Buffalo avait remporté le match aller 7-6, mais par une règle assez surprenante, le match retour comptait plus que le match aller. Buffalo a eu beau protester que le match retour n’était qu’un match « post-saison » qui ne devait pas compter, Carr attribue quand même le titre aux Staleys.

Tout cela démontre que le démarrage de l’APFA est poussif, et la popularité du football professionnel a du mal à décoller : le football universitaire est toujours très puissant, et les pros passent pour des mercenaires pratiquant un jeu de barbare. Les instances décident alors d’apporter plusieurs changements, et notamment… dans le nom de la ligue.

Le 24 juin 1922, les membres de l’APFA se réunissent et renomment la ligue en National Football League (NFL). Le nombre d’équipes augmente à 18 avec des survivants de l’APFA tels que les Chicago Bears (anciens Chicago Staleys), les Chicago Cardinals (ancien Racine Cardinals), Green Bay, Canton, Buffalo, Rock Island, Akron, Rochester, Columbus et Dayton. L’addition la plus intéressante reste sûrement l’équipe des Oorang Indians qui se compose uniquement d’Amérindiens, avec des noms de joueurs évocateurs comme Long Time Sleep, Brave Man, Xavier Downwind, Bear Behind ou Bright Path. Ce dernier n’est d’ailleurs pas un inconnu : Bright Path est le nom indien de Jim Thorpe, qui fait partie de la tribu Sauk et Fox, et qui rejoint les Indians en 1922.

Canton commence une domination de la ligue en 1923 et 1924. Malgré cela la franchise périclite financièrement, car le football professionnel ne fait pas recette, et Hay est obligé de remonter au nord de l’état pour fusionner avec Cleveland. Le calendrier reste toujours un peu flou en 1925, et nombre d’équipes tentent de rééditer la controverse de 1921 entre Chicago et Buffalo en programmant beaucoup de matchs retours, mais Carr finit par trancher dans le vif pour attribuer le titre justement à la franchise des Cleveland Bulldogs.

A ce point, la question est posée : que faut-il faire pour amener plus de gens dans les stades de football professionnel ? Il faudrait peut-être qu’un grand joueur universitaire passe dans une équipe pro. Quelqu’un de fameux qui attire l’oeil vers la NFL.

Cela va arriver l’année suivante.

 

Red Grange, l’ambassadeur (1925)

 

Harold « Red » Grange (photo), nommé ainsi à cause de sa rousseur, est un athlète phénoménal. Il a attiré les foules quand il jouait pour l’Université de l’Illinois, jusqu’à 90000 spectateurs pour son dernier match ; il en est de même quand il est signé par les Chicago Bears le lendemain et que le même jour il s’assoit sur le banc pour voir Chicago battre Green Bay devant 36000 personnes. Le Galloping Ghost est une véritable attraction, et à la fin de la saison, réalisant le potentiel qu’il a, les Bears font carrément un « tour » du pays pour exhiber leur nouveau joueur… et indirectement tenter de populariser le football professionnel.

Mais les déboires concernant l’attribution du titre sont toujours présents, et un nouvel imbroglio frappe la ligue : les Pottsville Maroons ont battu les Chicago Cardinals et ont 1/2 victoire d’avance. Les Cardinals réalisent qu’ils sont trop justes pour le titre (décernés à l’équipe au meilleur pourcentage de victoires), et ils montent deux matchs contre les Milwaukee Badgers et les Hammond Pros, qui ont pourtant disparu pendant la saison. Art Folz, le Quarterback remplaçant des Cardinals, paye des lycéens pour remonter l’équipe de Milwaukee et les Cardinals l’emportent dans une farce footballistique. Outrés, les Maroons organisent eux aussi un match avec une équipe de All-Stars de Notre Dame, mais cela a lieu dans la région d’une autre équipe de la NFL, les Frankford Yellow Jackets. La victoire des Maroons sur les All-Stars est annulée, les Maroons sont suspendus, Art Folz est banni à vie et les Cardinals finissent par refuser ce titre qu’ils traitent de « foireux ».

Mais à toute chose malheur est bon, car tout ce mic-mac a au moins eu un avantage : la victoire des Maroons sur les All-Star de Notre-Dame crée un choc, car tout le monde était persuadé que le football universitaire était bien supérieur au football professionnel. C’est la première confrontation entre les deux, et ce sont bien les pros qui l’ont emporté, poussant un peu plus la NFL sur le devant de la scène. Une scène qu’une autre ligue va bientôt vouloir partager.

 

Première ligue concurrente et conséquences (1926-1930)

 

CC PyleRed Grange est un véritable succès pour les Bears, à tel point que son agent, Charles « C.C. » Pyle (photo), pose un ultimatum à Halas et à son partenaire de toujours dans le club, Ed Sternaman : Grange ne jouera pour les Bears en 1926 que s’ils lui cèdent le tiers du club. Comme on peut s’y attendre, les deux compères refusent ; Pyle et Grange quittent alors le club et décident de monter leur propre franchise à New York, là où les médias sont rois. Pyle demande à jouer dans le Yankee Stadium mais il y a un problème : les New York Giants, arrivés en 1926 dans la NFL, refusent de partager le stade. Exaspéré, Pyle décide d’aller monter sa propre ligue concurrente.

C’est donc en 1926 que naît l’American Football League (AFL). Les New York Yankees de Pyle et Grange sont rejoints par les Chicago Bulls menés par Joey Sternaman (le frère d’Ed !), les Brooklyn Horsemen, les Boston Bulldogs, les Newark Bears, les Philadelphia Quakers, les Cleveland Panthers, les Los Angeles Wildcats et les Rock Island Independants qui changent de ligue. C’est un mauvais choix, car la ligue n’est pas solide financièrement, elle n’attire pas les foules et les franchises s’éteignent ou fusionnent les unes après les autres : l’AFL disparaît l’année même de sa création.

Cette leçon résonne aux oreilles de la NFL, qui est constituée de 22 franchises en 1926 : certaines ne sont pas solides et menacent d’attirer les autres vers le fond. Le football professionnel n’a pas encore trouvé son public, et il serait peut-être bon de solidifier la base. En 1927, il est donc décidé de ne conserver que 14 franchises : les Chicago Bears, les Green Bay Packers, les New York Giants, les Providence Steam Rollers, les Frankford Yellow Jackets, les Pottsville Maroons, les Chicago Cardinals, les Dayton Triangles, les Duluth Eskimos, les Buffalo Bisons, les Cleveland Bulldogs et… les New York Yankees de Pyle.

La ligue continue ainsi de vivoter pendant la fin des années 1920, certaines franchises disparaissant ou changeant de ville. Les joueurs bénéficient de protection un peu plus évoluées comme le casque et les épaulières en cuir et un quatrième arbitre, le Field Judge, vient rejoindre le trio originel (Head Referee, Umpire et Head Linesman) en 1929.

Cependant, il est plus que temps de donner au football professionnel une identité et une forme propre.

 

La Décennie 1930

 

Grande victoire et Grande Dépression (1930-1932)

 

http://prod.static.bears.clubs.nfl.com/assets/images/tradition/bears-in-the-hall/hof-nagurski.jpgLes années 1930 commencent par la domination des Green Bay Packers. La franchise du Wisconsin, véritable curiosité par le fait que ce sont les habitants de la ville qui possèdent le club (et non un riche propriétaire), est devenue une franchise respectée après avoir plusieurs fois manqué de disparaître. Les Packers remportent trois titres de suite (1929, 1930, 1931) avec une pléthore de joueurs excellents. Mais leurs rivaux Bears ne sont pas en reste en signant le fullback Bronko Nagurski (photo), véritable tank sur deux jambes. La ligue est définitivement tournée vers le jeu de course en force, et Nagurski excelle dans cet art. Au niveau des franchises de la NFL, les Duluth Eskimos ont disparu et les Portsmouth Spartans sont acceptés en 1930.

Pendant ce temps, les Giants de New York jouent le match le plus important de la décennie, devenant en quelque sorte les Pottsville Maroons de 1930. En effet, le 14 décembre, les Giants, qui ont fini deuxième de la NFL derrière Green Bay, acceptent de jouer un match exhibition contre des All Stars de Notre-Dame. La Grande Dépression frappe le pays très durement, et l’argent levé par ce match doit être directement reversé au Fonds pour l’Emploi de New York. Comme d’habitude à cette époque, les Irish de Knute Rockne ne considèrent pas les Giants comme des adversaires à leur hauteur, et ils vont le payer : les Giants l’emportent 22-0 aux Polo Grounds dans une victoire retentissante qui cimente encore un peu plus la légitimité du football professionnel.

Mais la Grande Dépression ne fait aucun cadeau et elle supprime des clubs dans une ligue qui survit tout juste. En 1932 il ne reste plus que sept franchises : Chicago, Green Bay, les Giants, Portsmouth, les Cardinals, les Brooklyn Dodgers (ancien Dayton Triangles) et les Staten Island Stapletons (qui ont plus ou moins absorbé les Newark Bears de l’AFL et qui ont pris la place des New York Yankees disparus en 1928). Afin d’équilibrer la ligue avec huit équipes, Carr et Halas proposent à George Preston Marshall de monter une franchise, les Boston Braves.

 

La première « finale » NFL et ses implications (1932-1934)

 

A la fin de la saison 1932, les Chicago Bears et les Portsmouth Spartans sont à égalité, et ils doivent jouer un match supplémentaire, l’équivalent d’une finale. Le match se joue en intérieur au Chicago Stadium, l’arène de hockey, à cause d’un blizzard terrible à Wrigley Field. Mais les organisateurs se heurtent à un problème : le terrain étant encerclé par les balustrades de hockey, si jamais le ballon sort en touche, il est impossible de remettre le ballon en jeu à l’endroit de la touche, car les balustrades bloquent la disposition des joueurs. Ils décident donc de tracer des petites lignes horizontales à 10 yards des balustrades pour indiquer que la remise en jeu ne peut se faire qu’entre ces lignes, et pas au-delà. C’est la naissance des hashmarks qu’on retrouve aujourd’hui sur tout terrain de football.

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Le Chicago Stadium pendant la finale de 1932.
On voit les balustrades toutes proches des touches.

Pour l’histoire, les Bears l’emportent 9-0 et le sport gagne encore en popularité car les spectateurs étaient littéralement à côté de l’action, gagnant un nouveau respect pour les gladiateurs du football. Ce succès donne des idées à Halas qui est alors au comité des règles de la NFL. Il propose d’instaurer les hashmarks dès la saison suivante, avec d’autres règles promulguant un jeu plus attractif et offensif : les poteaux de but sont avancés du fond de l’en-but jusqu’à la ligne d’en-but, et surtout la passe en avant est autorisée du moment qu’elle part de derrière la ligne de scrimmage. C’est une petite modification de la règle avec une énorme conséquence : précédemment, la passe en avant était autorisée mais il fallait qu’elle parte au moins 5 yards derrière la ligne de scrimmage. Cette fois, le passeur peut se déplacer à sa guise derrière la ligne pour faire sa passe. Le résultat se voit de suite en 1933 : beaucoup plus de Field Goals, et seulement cinq matchs nuls sur la saison ; il y en avait eu dix l’année précédente !

Mais les changements ne s’arrêtent pas là. Le succès de cette « finale » supplémentaire en 1932 donne des idées à Marshall (photo), le propriétaire des Boston Braves qui se renomment Boston Redskins : pourquoi ne pas faire en sorte qu’un match pour le titre ait lieu tous les ans, sans attendre deux équipes au même record ? La proposition plaît énormément, et pour provoquer cette finale, la ligue est alors scindée en deux divisions :

  • Eastern Division : les Giants, Brooklyn, Boston et deux nouvelles équipes, les Philadelphia Eagles (possédés par Bert Bell) et les Pittsburgh Pirates (possédés par Art Rooney);
  • Western Division : les Chicago Bears & Cardinals, Green Bay, Portsmouth et une autre nouvelle équipe, les Cincinnati Reds.

Ce sont les Bears qui remportent cette première version de la NFL à deux divisions en battant les Giants 23-21. Les Giants prennent cependant leur revanche en 1934 30-13 contre ces mêmes Bears dans le fameux Sneakers Game, pendant lequel les Giants gagnent un avantage sur un terrain gelé en changeant leurs crampons par des baskets.

Cette saison 1934 est marquée par un fait particulier qui va devenir une véritable tradition : les Portsmouth Spartans sont rachetés par G.A. Richards pour 15000$ (+6500$ pour payer les dettes) et relocalisés à Detroit où ils sont renommés les Lions. Cherchant à attirer les habitants de Detroit, plus enclins à aller supporter les Tigers du baseball, Richards demande à jouer un match à domicile pour Thanksgiving, une tradition de la NFL depuis ses débuts. Il obtient gain de cause, les Bears viennent chez les Lions à Thanksgiving et le match est retransmis dans tout le pays grâce à NBC Radio. C’est le premier match retransmis nationalement, et surtout c’est la naissance de la tradition toujours en cours qui veut que les Lions reçoivent un match à Thanksgiving (respectée tous les ans sauf pendant la Seconde Guerre Mondiale).

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Du Football pour les Lions & Thanksgiving, tradition à Detroit depuis 1934.

 

Don Hutson et l’art de la réception (1935-1940)

 

Pour ne pas être en reste, c’est au tour des Green Bay Packers d’innover. En 1935, la franchise du Wisconsin signe un rookie de l’Alabama, Don Hutson (photo). Si la passe vers l’avant était encore un moyen rarement utilisé d’avancer, Lambeau et Hutson vont prouver qu’elle peut devenir une arme mortelle. Avec ses mouvements jamais vus et sa vitesse incroyable, Hutson va régner sur la NFL et transformer la passe (et la réception) en art. A la fin de sa carrière en 1945, il aura été huit fois meilleur receveur et il sera devenu le premier à dépasser 1000 yards en réception en une saison (1942). Si aujourd’hui on connaît l’arbre des routes du receveur, son origine provient de Lambeau et de Hutson.

Pendant ce temps, la ligue se stabilise enfin. En 1936, pour la première fois, les franchises sont toutes reconduites, et les équipes jouent toutes 12 matchs. De plus, la toute première draft est mise en place selon une idée de Bert Bell deux ans plus tôt, et la finale se joue sur un terrain neutre. La ligue commence à faire son trou, et ne craint pas une nouvelle concurrente, l’AFL version 2, montée par Harry March, un ancien directeur du personnel des Giants. Cette seconde AFL disparaît fin 1937 par manque d’intérêt du public et de la presse, non sans apporter quelques bénéfices à la NFL :

  • L’équipe des Cleveland Rams de cette AFL 2.0 survit et rejoint la NFL ;
  • Une équipe à Los Angeles introduit la côte ouest au football professionnel ;
  • La réussite pendant un temps des Boston Shamrocks pousse Marshall à déménager les Boston Redskins à Washington.

SammyBaughLa NFL fait un grand pas sur la scène nationale avec le premier match télévisé le 22 octobre 1939 entre Brooklyn et Philadelphie (toujours sur NBC), et elle s’ouvre également à la passe avec des Quarterbacks comme Arnie Herber des Packers, Sammy Baugh des Redskins (photo) ou Sid Luckman des Bears. Malgré la perte de son président, Joe Carr, qui décède avant le début de la saison 1939 (remplacé temporairement par son bras droit Carl Stork), les années 1940 promettent peut-être enfin un peu de stabilité et de reconnaissance à la NFL.

Sauf que l’Histoire va rattraper la ligue comme elle va rattraper le monde entier.

 

La Décennie 1940

 

Une ligue en mode « survie » (1940-1945)

 

En 1940, une précédente victoire des Redskins sur les Bears provoque les quolibets de Marshall envers la franchise de Chicago. Halas s’en sert comme d’une motivation et en finale de la NFL, les Bears et leur nouvelle T-formation écrasent les Redskins 73-0, le plus large succès de l’histoire. En parallèle, une AFL version 3 se monte, mais celle-ci est plus solide financièrement car elle se base sur l’American Professional Football Association (APFA), une ligue mineure de football professionnel qui existe depuis 1935 (et sans aucune relation avec l’APFA le nom d’origine de la NFL !). Cependant cette AFL 3 s’effondre au bout d’un an à cause de l’entrée dans la Seconde Guerre Mondiale des États-Unis.

En effet, en 1942 l’Histoire s’invite dans l’histoire du football : à la suite de Pearl Harbor, plus de 600 joueurs, coachs et officiels participent à la guerre, et 21 y meurent, dont 12 joueurs actifs. Le recrutement massif des universitaires et le manque de fonds provoque la fin de l’AFL 3 et coupe les jambes de la NFL qui avait pourtant trouvé une certaine stabilité et une relative légitimité.

La ligue rentre alors en mode survie. Elle tente d’abord de se trouver un nouveau chef après la mort de Carr ; c’est la légende de Notre Dame Elmer Layden qui est choisie. Elle voit les Pittsburgh Pirates se renommer en Pittsburgh Steelers. Elle voit les Chicago Bears et les Green Bay Packers, déjà ennemis jurés et à égalité en tête de la Western Division, disputer le premier match de playoff de division de l’histoire le lendemain de Pearl Harbor ; les Bears l’emportent 33-14 avant d’aller battre les Giants en finale 37-9. Elle voit le casque devenir obligatoire en 1943. Elle voit la franchise de Pittsburgh en difficulté d’argent et d’effectif fusionner avec Philadelphie en 1943 (Phil-Pitt !) puis les Cardinals en 1944 (Card-Pitt !). Elle voit la foule se réduire dans les gradins, car la guerre est dans toutes les têtes. Elle voit Luckman lancer sept passes de touchdowns dans le même match, ou Baugh exceller à la passe et au punt.

L’effectif de Card-Pitt en 1944

Enfin, elle voit surtout le bout du tunnel avec l’armistice de la Seconde Guerre Mondiale. En 1945, même si la ligue a perdu en qualité et en audience, elle n’a pas perdu en potentiel. Layden doit refuser plusieurs offres de création d’équipe, ce qui va mener à une nouvelle rébellion… et une nouvelle ligue concurrente.

Sauf que cette fois, elle ne va pas s’appeler l’AFL, et elle va durer, concurrençant vraiment la NFL.

 

L’AAFC, la première vraie rivale (1946)

 

Suite aux différents refus de Layden d’intégrer de nouvelles équipes en NFL, le rédacteur des sports du Chicago-Tribune, Arch Ward, monte le 4 juin 1944 une réunion avec des représentants de Buffalo, Chicago, Cleveland, Los Angeles, New York et San Francisco. Tout ce beau monde se met vite d’accord sur la fondation d’une nouvelle ligue de football professionnel : l’All-America Football Conference (AAFC). Layden refuse une dernière fois d’intégrer certaines franchises de la future AAFC, et il dédaigne même l’entreprise en faisant cette déclaration célèbre :

Qu’ils commencent par trouver un ballon, puis un calendrier, et enfin qu’ils jouent un match.

C’est le début des hostilités.

En 1946, l’AAFC naît officiellement avec les Buffalo Bisons, les Brooklyn Dodgers (différents des anciens Dodgers de la NFL qui se sont renommés les Tigers), les Los Angeles Dons, les Miami Seahawks, les New York Yankees (différents de ceux de Pyle), les Chicago Rockets, les San Francisco 49ers et une nouvelle équipe basée à Cleveland, les Browns, nommés en l’honneur de leur coach, Paul Brown. L’équipe de Miami tourne au fiasco financier et se fait remplacer par les Baltimore Colts en 1947.

En NFL, Layden démissionne comme commissioner et Bert Bell le remplace. Après avoir gagné leur premier titre dans l’indifférence la plus complète, les Rams partent à Los Angeles. C’est là-bas qu’un joueur des Rams, Fred Gerkhe, a l’idée en 1948 de peindre des cornes sur son casque : c’est le logo qu’on retrouve sur le casque des Rams d’aujourd’hui (et surtout le tout premier logo à apparaître sur un casque).

En effet, les Rams ont gagné leur titre dans l’indifférence la plus complète. A la fin des années 1940, pendant que Steve Van Buren galope à travers le pays pour aider Philadelphie à gagner ses deux premiers titres, qu’un rookie du nom de George Blanda rejoint les Bears derrière un Luckman toujours dominateur, que les New Yorks Yanks deviennent les Bulldogs puis redeviennent les Yanks, que les Packers tentent de survivre après la guerre, et qu’on voit l’arrivée d’un cinquième arbitre, le Back Judge, l’AAFC est littéralement écrasée par les Cleveland Browns. La qualité de leur jeu pousse des Rams en manque de public à déménager !

 

Domination et fusion (1946-1949)

 

L’équipe de Paul Brown révolutionne le jeu tel qu’il est pratiqué à l’époque : possesseur d’un Master d’Éducation, Brown veut des joueurs intelligents. Il invente le playbook, la préparation d’avant-match, les squads d’entraînements, le premier facemask, et même la radio dans le casque du Quarterback ! Tout ceci aide les Browns à exceller sur le terrain : derrière le fer de lance Quarterback Otto Graham, les Browns gagnent 4 titres AAFC de 1946 à 1949. Rien ne peut arrêter leur jeu aérien d’une précision redoutable et leur jeu de course d’une puissance implacable mené par le premier noir à jouer professionnellement, Marion Motley (avec un autre Brown, Bill Willis).

Otto Graham & Paul Brown

Cela finit d’ailleurs par devenir un véritable problème : les Browns dominent beaucoup trop cette nouvelle ligue où ils rencontrent peu d’opposition. Cela provoque une désertion du public qui entraîne une perte d’argent. De plus, la guerre financière entre la NFL et l’AAFC est allée crescendo et la situation n’est plus vraiment tenable, même pour la NFL qui reste fragile à cause de la guerre.

Fin 1949, Bert Bell, qui a toujours dénigré l’AAFC, convient qu’il est temps de fusionner les deux ligues. C’est ainsi que la ligue concurrente la plus aboutie à ce jour disparaît, non sans léguer à la NFL trois de ses équipes : les Baltimore Colts, les San Francisco 49ers et les Cleveland Browns. Les Browns partent dans l’Eastern Division (avec les New York Giants, Pittsburgh, Philadelphie, les Chicago Cardinals et Washington) alors que les 49ers et les Colts partent dans la Western Division (avec Green Bay, les Chicago Bears, Los Angeles, les New York Yanks et Detroit). Les joueurs des équipes restantes sont intégrés à la draft de 1950.

Les années 1950 vont donc de nouveau s’ouvrir sur une NFL seule, qui a survécu à la guerre, et qui maintenant veut rentrer pour de bon dans le coeur des américains. Elle va définitivement réussir, mais pas avant la fin de la décennie.

 

La Décennie 1950

 

Les Browns continuent leur domination (1950-1956)

 

Tout d’abord, les casques en plastique remplacent les casques en cuir pour assurer une meilleure protection. Ensuite, une règle de 1950 transforme le visage du football : les substitutions illimitées sont instaurées, ce qui va provoquer petit à petit la disparition des 60-minute men, ces hommes qui jouaient en attaque ET en défense. Cela permet de multiplier les talents dans une même équipe, et cela tombe bien car, à la sortie de la guerre, le pays veut du sport ; du sport solide, sérieux, et divertissant. Avec l’absorption de l’AAFC, la NFL propose un football qui s’approche de ces idéaux, et les anciens pensionnaires de la ligue rivale ne vont pas tarder à se faire connaître du reste de la ligue majeure… même si la volonté de Bell est différente.

http://www.profootballhof.com/assets/1/26/Bell_Bert_HS_180-220.jpg?432Pour le match d’ouverture de la saison il est commun de faire jouer le champion : en 1950, c’est Philadelphie, l’ancienne équipe de Bell (photo). Le commissioner a la rancune un peu tenace, et il se dit qu’il serait quand même bon, au passage, d’apprendre à ces Browns de l’AAFC comment les choses se passent en NFL. Le premier match de la saison oppose donc les Eagles aux Browns à Philadelphie. Le résultat sera sans appel : le jeu léché de Cleveland étouffe les champions NFL, et l’équipe de Paul Brown l’emporte 35-10.

Les Browns continuent leur domination jusqu’au titre alors que les 49ers ont plus de mal, et les Colts finissent par disparaître à la fin de la saison. Au début de la saison 1951, les New York Yanks ont également des difficultés, et la ville de Baltimore pense récupérer une franchise, mais la ligue refuse de renvoyer une équipe là-bas et choisit plutôt le projet de la ville de Dallas. Les Dallas Texans sont nés, mais une gestion désastreuse de l’équipe pousse la franchise à retourner à Baltimore et devenir les nouveaux Colts en 1952.

Pendant ce temps, les Browns retrouvent les Rams en finale 1951. L’équipe de Los Angeles, menée par une belle paire de passeurs avec le feu follet Norm Van Brocklin et le sérieux Bob Waterfield, promet d’être une belle opposition : Van Brocklin a passé pour 554 yards lors du match d’ouverture face aux Eagles, le record de la ligue (qui tient toujours aujourd’hui !). Derrière eux, les Rams gagnent un nouveau titre. En 1952, les Browns arrivent encore en finale, mais cette fois ce sont les Detroit Lions du Quarterback Bobby Lane qui les stoppent. En 1953, nouvelle victoire de Detroit contre les Browns. Il faudra attendre les deux années suivantes pour voir Cleveland remporter deux titres (contre Detroit et Los Angeles de nouveau).

Le début de la décennie est donc l’apanage de Cleveland dans l’Eastern Division, et de Detroit et les Rams dans la Western Division. Cela va changer en 1956, et les changements ne vont pas se limiter au terrain.

 

Naissance de la NFLPA (1956-1958)

 

Tout d’abord, l’utilisation toujours grandissante des facemasks dans la NFL pousse la ligue à interdire de les saisir pour stopper un joueur. Dans l’Eastern Division, les Browns voient partir Otto Graham en retraite, une grande perte pour l’équipe. Les Giants ont les crocs affûtés : depuis 1954, ils ont monté un groupe d’entraîneurs sérieux et un groupe de joueurs talentueux. Le coach Jim Lee Howell a sous ses ordres comme Coordinateur Offensif Vince Lombardi, et comme Coordinateur Défensif Tom Landry, alors que des joueurs comme Frank Gifford, Sam Huff, ou Roosevelt Grier promettent sur le terrain. Dans la Western Division, un jeune talent du nom de Johnny Unitas prend les rênes des Colts, alors que le Million Dollar Backfield (trois coureurs et un Quarterback) s’occupe du futur des 49ers. Les Giants parviennent enfin à remporter l’Eastern Division et s’emparent du titre aux dépends des Monsters Of The Midway, les Bears.

Lombardi & Landry aux Giants

Mais le plus gros progrès n’est pas sur le terrain : depuis plusieurs années, certains joueurs de Cleveland se réunissent et nourrissent le projet d’une union (un syndicat) qui représenterait les joueurs. Il n’y a rien de tel à cette époque, et la ligue (ainsi que les propriétaires) ont tous les droits. C’était notamment devenu flagrant quand, dans les années 1940, les joueurs étaient forcés de jouer des matchs d’exhibition sans salaire, ou quand la NFL et l’AAFC avaient édicté des règles sévères pour empêcher les joueurs de changer de ligue (ceux qui osaient déroger à la règle étaient bannis du football professionnel).

Une fois le projet présenté aux 12 équipes, 11 d’entre elles adhèrent et c’est ainsi que naît la National Football League Players Association, ou NFLPA. Beaucoup de joueurs signent des dérogations permettant à la NFLPA de les représenter, mais la NFL ne la considère pas comme un vrai partenaire de négociations tout de suite.

Le terrain reprend ses droits en 1957 et les Browns ressuscitent derrière le jeu phénoménal de leur rookie coureur, Jim Brown (photo). Ils atteignent de nouveau le titre mais ils sont encore barrés par les Lions de Bobby Lane. Pendant ce temps, petit à petit, Unitas et les Colts attendent leur heure, et les Giants de même.

En 1958, leur heure est venue. Et avec eux, celle de la NFL.

 

La NFL rentre dans les chaumières (1958-1959)

 

A la fin d’une saison 1958 qui voit les Bears battus de justesse par les Colts dans la Western Division, les Giants ont besoin d’un match supplémentaire pour se débarrasser des Browns dans l’Eastern Division. L’équipe de Howell l’emporte 10-0 grâce à une défense sévère qui musèle Jim Brown, et la finale NFL est donc décidée : les Baltimore Colts contre les New York Giants, au Yankee Stadium. Le match est retransmis par la fidèle chaîne de la ligue, NBC.

GreatestGameEverPlayed-AmecheCe match va rentrer dans la légende comme The Greatest Game Ever Played. A la fin d’un suspens insoutenable, Unitas va diriger un drive de 73 yards pour permettre à son botteur d’égaliser avant la fin du match. Devant une audience accrochée à son poste de télévision, la première mort subite de l’histoire de la NFL va se dérouler : la première équipe qui marque est championne. Après un punt des Giants, Unitas dirige un nouveau drive terminé par un touchdown d’Alan Ameche à la course (photo). Les Colts l’emportent 23-17, et la dimension épique du match fait définitivement gravir une nouvelle marche au football professionnel. L’année suivante, la revanche voit encore une fois la victoire des Colts 31-16.

Les années 1950 se terminent sur une toute nouvelle notoriété pour la ligue, et l’espoir d’avoir enfin gagné le respect qu’elle mérite. Mais qui dit grande notoriété, dit aussi que certains voudraient bien y goûter. Il est donc temps de ressortir un vieux fantôme du placard, et cette fois de provoquer une peur bleue à la grande ligue.

 

La Décennie 1960

 

L’AFL dans sa forme la plus aboutie (1960)

 

Le succès grandissant de la NFL donne des idées d’expansion à plusieurs promoteurs du pays, notamment le fils d’un millionnaire du pétrole à Dallas, Lamar Hunt (photo). Hunt veut faire revenir le football dans la grande ville texane, mais il se heurte au refus de Bell et de Halas, qui siègent au comité d’expansion. En fait, toutes les propositions sont refusées par le duo qui pense que la ligue doit encore se solidifier avant de penser à intégrer de nouvelles équipes.

Rembarré, Hunt essaie ensuite d’acheter les Chicago Cardinals, mais il essuie un nouveau refus. Comme l’a fait C.C. Pyle en 1926, il décide alors de monter sa propre ligue concurrente. Le 14 août 1959, il organise une réunion avec des représentants de Houston, Minneapolis, Denver, Los Angeles et New York ; rapidement ils se mettent d’accord sur l’AFL version 4. Boston et Buffalo rejoignent les rangs de la nouvelle AFL, et lorsque Minneapolis finit par être acceptée par la NFL pour devenir les Minnesota Vikings, la ville d’Oakland saute sur l’occasion pour joindre l’AFL.

Conscient de ne pas vouloir faire la même erreur qu’avec l’AAFC, Bert Bell considère cette nouvelle ligue plus sérieusement ; il reçoit un coup de fil de Lamar Hunt qui lui propose de devenir le commissaire des deux ligues, et il y réfléchit. Malheureusement, sa disparition en octobre 1959 coupe toute possibilité de réunion entre les deux concurrents. Alvin « Pete » Rozelle, ancien General Manager des Rams, devient le nouveau commissioner de la NFL, et Joe Foss est nommé commissioner de l’AFL. C’est le début de la guerre terrible NFL-AFL.

http://media.cleveland.com/browns_impact/photo/tom-landry-1964-3-b-w-179549jpg-87b2fee89c9b8026.jpgEn parlant de la NFL, le changement de patron n’est pas le seul que la ligue observe en 1960. Les Cardinals de Chicago, qui sont présents dans la ville depuis 1918, ont vu leurs revenus diminuer continuellement, et ils décident d’émigrer dans le Missouri, à Saint-Louis. Et surtout, deux anciens coordinateurs des Giants se retrouvent avec une équipe entre leurs mains : Tom Landry devient le coach des tous nouveaux Dallas Cowboys (qui contrebalancent l’arrivée des Vikings), et Vince Lombardi vole au secours d’une des plus anciennes franchises qui périclite depuis 30 ans : les Green Bay Packers.

Si Landry va connaître quelques difficultés au début, Lombardi va de suite poser sa marque dans la NFL. Avec ses méthodes physiques et psychologiques propres à lui, il redresse une franchise moribonde et la mène à la finale de 1960, perdue contre les Eagles. Mais Lombardi est affublé d’une myriade de futurs Hall Of Famers comme Bart Starr, Paul Hornung, Jim Taylor, Herb Adderley, Ray Nitschke, Willie Wood ou Henry Jordan, et il prépare la dynastie des Packers dans cette décennie.

Pendant ce temps, l’AFL démarre sa première saison avec huit équipes : les Houston Oilers, les New York Titans, les Buffalo Bills, les Boston Patriots, les Los Angeles Chargers, les Dallas Texans, les Oakland Raiders et les Denver Broncos. La nouvelle ligue se démarque de suite par un jeu plus axé sur la passe et les feintes. Elle introduit une nouveauté par la possibilité de transformer un touchdown à deux points.

La période est propice au football professionnel et avec la solidité financière des équipes (les Chargers par exemple sont créés par Barron Hilton, le patron des hôtels Hilton), l’AFL arrive à survivre.

 

Pete Rozelle, visionnaire (1961-1964)

 

1961 est une année de nouveautés : pour asseoir son histoire et rappeler qui est la ligue majeure, la NFL créé le Hall Of Fame à Canton, Ohio, le lieu de naissance de l’APFA en 1920. Ce Hall honore les meilleurs joueurs et administrateurs, et dans cette toute première classe de 1961 on retrouve des légendes comme Sammy Baugh, Bert Bell, Red Grange, George Halas, Curly Lambeau ou Don Hutson. Autre nouveauté, la saison passe de 12 à 14 matchs. Mais la NFL ne s’arrête pas là : Pete Rozelle, fort du succès télévisuel du Greatest Game Ever Played, sent qu’il y a là un grand partenariat à créer entre le football et la télévision. Il se rend également compte que les marchés sont de tailles différentes entre les franchises NFL, et il veut absolument maintenir un équilibre pour ne pas voir de petites équipes s’effondrer, ce qui pourrait faire la part belle à l’AFL.

http://www.profootballhof.com/assets/1/26/Rozelle_Pete_HS_180-220.jpg?380Rozelle (photo) décide alors de changer de méthode : là où les franchises négociaient indépendamment les droits télévisés, il veut créer un package total ; il veut que ce soit la ligue qui négocie les droits avec la télévision, pour pouvoir ensuite redistribuer l’argent de manière équitable entre les clubs. C’est un vrai bol d’oxygène pour une franchise comme les Packers qui a connu de nombreux problèmes financiers, devant appeler à la générosité des habitants de la ville (propriétaires du club) pour lever des fonds. C’est véritablement le début du mariage NFL-TV qui va générer un intérêt toujours croissant pour le football professionnel.

La franchise des Packers va d’ailleurs profiter de cette sécurité pour dominer la NFL les deux années suivantes, gagnant deux titres de champion à la barbe des Giants à chaque fois en 1961 et 1962. Pour cela, Lombardi a mis en place une tactique parfaite : le power sweep, une course de Hornung ou Taylor protégé par les Guards Jerry Kramer et Forrest Gregg. Cette course, tout le monde l’attend, mais personne ne peut l’arrêter.

La saison 1963 démarre avec un choc : Paul Brown est évincé de « ses » Browns par le propriétaire Art Modell pour différence d’opinion, c’est le premier sans son créateur et leader. Pendant ce temps, les Bears remportent un nouveau titre, profitant d’une baisse de régime des Packers. En AFL, les Chargers ont déménagé à San Diego, les Dallas Texans sont devenus les Kansas City Chiefs et les New York Titans se sont renommés les Jets. Après deux titres des Oilers et un des (anciens) Texans, ce sont justement les Chargers, derrière le jeu spectaculaire mené par le Quarterback John Hadl et le receveur Lance Alsworth, qui s’emparent du titre.

En 1964, Jim Brown mène Cleveland à son premier titre sans son créateur et leader alors que les Buffalo Bills remporte leur premier championnat AFL. En ce milieu de décennie, les deux ligues proposent un produit différent et attractif, ce qui mène à un contrat TV avec CBS pour la NFL, et avec NBC pour l’AFL. Cela pérennise leur avenir… et la guerre sans merci qu’ils se livrent à coup de millions et de coups bas pour recruter les meilleurs joueurs universitaires. Cet affrontement va atteindre son apogée au début de l’année 1965.

 

La guerre NFL-AFL à son paroxysme (1965)

 

Quelques jours avant le début de l’année, les Saint-Louis Cardinals (NFL) et les New York Jets (AFL) se disputent les faveurs du Quarterback d’Alabama, Joe Namath, que l’on présente comme le nouveau Unitas. Ce sont finalement les Jets qui l’emportent avec un contrat de 400,000$, ce qui est énorme pour l’époque. Namath devient le poster boy de l’AFL, et la NFL perd une bataille importante, sans se douter à quel point cet événement va avoir des répercussions dans le futur des deux ligues.

http://media-cache-ec0.pinimg.com/236x/4b/40/08/4b400877be4e2d6484c9b4fd92fc73ff.jpgQuoiqu’il en soit, en 1965 les Bears draftent une gazelle et un boeuf (photo). Gale Sayers transperce les défenses à la course et Dick Butkus mange ses adversaires en défense. L’équipe de Papa Bear George Halas remporte le titre en battant les Colts d’un ancien joueur mais coach novice : Don Shula. En AFL, les Bills remportent leur deuxième titre de suite. Un sixième arbitre, le Line Judge, est ajouté pour surveiller les Quarterbacks qui partent à la course comme Fran Tarkenton des Vikings.

C’est alors que la guerre entre les deux ligues explose pour de bon.

La draft 1966 est le premier exemple de la bagarre : le talentueux Linebacker Tommy Nobis est le centre des attentions des deux équipes avec le premier choix, les Oilers en AFL et les nouveaux Atlanta Falcons en NFL ; Atlanta (et de ce fait la NFL) remporte la bataille avec un meilleur contrat. Le deuxième exemple se déroule le 17 mai 1966 : le kicker des Bills (AFL), Pete Gogolak, le premier à taper de côté et non de face, est signé par les Giants (NFL). Non content de révolutionner le jeu de kicker dans le football professionnel, Gogolak représente l’apogée de la lutte féroce entre les deux ligues : le nouveau commissioner de l’AFL, Al Davis (ancien propriétaire des Raiders), prend cette signature inter-ligue comme un véritable affront et demande aux franchises AFL de répondre en faisant de même. Les Oilers récupèrent alors le Quarterback des 49ers, John Brodie, et les Oakland Raiders signent le Quarterback des Rams, Roman Gabriel.

 

Fin de la guerre programmée (1966)

 

Cette folie d’enchères n’est pourtant pas la volonté générale dans les deux ligues. Cela fait depuis quelques années que certains militent pour une paix, voire une fusion. En 1966, Tex Schramm, le propriétaire des Cowboys, et Lamar Hunt, propriétaire des Kansas City Chiefs, s’échangent des coups de fils et en reportent à leur commissioners respectifs.

Pete Rozelle se rend compte que la situation n’est plus tenable financièrement pour les deux ligues, et il demande à Schramm et Hunt de poser la question aux propriétaires des différentes franchises des deux entités ; cela contre l’avis d’Al Davis qui veut combattre la NFL.

Le 8 juin 1966, la lucidité et la raison finissent par l’emporter, et une annonce est faite ; les deux ligues sont tombées d’accord sur plusieurs points :

  • Les neuf franchises d’AFL acceptent de payer 18M$ (sur 20 ans) pour joindre la NFL à partir de la saison 1970-1971 ;
  • Pete Rozelle sera le commissioner de la nouvelle ligue (Al Davis, forcé d’accepter la fusion, repart à la tête de ses Raiders) ;
  • Les deux ligues joueront une finale entre leurs deux champions ;
  • Les franchises ne déménageront pas ;
  • La prochaine draft en 1967 sera commune aux deux ligues ;
  • Une nouvelle franchise intègrera chaque ligue en 1967 ;
  • Les matchs de présaison entre les ligues commenceront en 1967 et un calendrier commun commencera en 1970 ;
  • Brodie et Gabriel restent avec leurs équipes NFL (mais Gogolak reste aux Giants).

Le troisième point, la finale entre le champion de la NFL et celui de l’AFL, représente la naissance de cette fête qu’est le Super Bowl, même si on ne le nomme pas encore explicitement ainsi.

NFL & AFL, sous un commissioner commun !

Enfin, l’année 1966 apporte d’autres changements sur le terrain. Les poteaux, qui étaient alignés sur la ligne d’en-but, sont légèrement reculés pour essayer de diminuer les collisions avec les joueurs. Néanmoins, la plus grande innovation est l’arrivée d’une toute nouvelle surface de jeu, l’astroturf. Les Astros de Houston (l’équipe de baseball) en tapissent leur stade couvert car c’est une solution moins coûteuse que l’herbe naturelle, et de ce fait les Oilers se retrouvent à jouer également sur cette surface. L’astroturf est en fait un tapis qu’on pose sur une base en ciment ; si la rapidité de cette nouvelle surface impressionne, elle va cependant rapidement être décriée par sa dureté et son côté abrasif.

 

Début de l’ère du Super Bowl (1966-1967)

 

Enfin « presque » le Super Bowl…

Sur les terrains, la saison 1966 voit Jim Brown prendre sa retraite, et les Packers revenir sur le devant de la scène. En finale NFL, Lombardi retrouve son ancien partenaire aux Giants en affrontant les Cowboys de Tom Landry ; les Packers sortent victorieux pour remporter leur troisième titre NFL de la décennie. En AFL, les Chiefs de Hunt, menés par le coach Hank Stram et le Quarterback Len Dawson, remportent l’AFL. Le NFL-AFL World Championship Game a lieu à Los Angeles au Memorial Coliseum : les Packers surclassent les Chiefs 35-10, et la supériorité de la NFL est assise.

Mais c’est véritablement en 1967 que les Packers et leur coach rentrent dans la légende. Commençons d’abord par noter, comme il était prévu dans l’accord de 1966, l’arrivée de deux nouvelles franchises : les New Orleans Saints intègrent la NFL, et les Miami Dolphins intègrent l’AFL. L’arrivée des Saints provoque un chamboulement dans la ligue historique, qui décide alors de découper ses deux anciennes divisions de nouveau en deux. Elle se retrouve avec deux conférences, contenant chacune deux divisions de quatre équipes :

  • Eastern Conference
    • Capitol Division : Dallas, Philadelphie, Washington, New Orleans ;
    • Century Division : Cleveland, New York Giants, Saint-Louis, Pittsburgh ;
  • Western Conference
    • Coastal Division : Los Angeles, Baltimore, San Francisco, Atlanta ;
    • Central Division : Green Bay, Chicago, Detroit, Minnesota.

On remarque de suite que la Central Division est l’actuelle NFC North, faisant d’elle la division historique de la ligue avec trois équipes aussi anciennes que Chicago (présent dans l’APFA  comme anciens Decatur Staleys), Green Bay (présent depuis la première saison NFL) et Detroit, (présent depuis 1930 comme anciens Portsmouth Spartans). Cela explique aussi que ce soit la division avec les plus anciennes rivalités.

Justement, les Packers dominent la saison et retrouvent leurs meilleurs ennemis, les Cowboys, en finale NFL. Ce match légendaire, surnommé l’Ice Bowl par ses conditions dantesques (-26°C, avec des rafales à -43°C !) est très serré, et les Packers l’emportent à la dernière seconde par un plongeon d’un yard de Bart Starr. L’image restera dans toutes les mémoires, et les Packers gagnent ainsi leur 3e titre de suite (un record) et vont à leur second Super Bowl.

Pendant ce temps, l’AFL voit l’arrivée des Miami Dolphins, coachés par Don Shula, celui qui avait redressé les Colts après le départ de Johnny Unitas. Ils ne peuvent cependant rien devant les Oakland Raiders, champions de l’AFL, de vrais tueurs sur le terrain avec une défense de fer. Mais, à leur tour, les Raiders ne peuvent arrêter la légende Packers, qui remportent la grande finale, renommée en Super Bowl II, 33-14. Lombardi, porté en triomphe à la fin du match, décide de se retirer et de devenir General Manager l’année suivante. Cinq titres en sept ans, et deux Super Bowls pour Maître Vince.

 

L’AFL prouve enfin sa valeur (1968-1969)

 

En 1968, la NFLPA gagne enfin ses galons : elle est reconnue par la NFL comme représentante des joueurs, et les deux parties mettent en place un Collective Bargaining Agreement (CBA). Ce CBA contient des règles sur les salaires, un fonds de pension pour les retraités et des plans d’assurance. Mais comme entre tout patron et syndicat, les relations NFL-NFLPA sont un peu houleuses.

Sur le terrain, les Baltimore Colts vont profiter de l’âge avancé des Packers pour s’attribuer le titre NFL. Dans l’AFL, Paul Brown refait surface avec la franchise des Cincinnati Bengals, bien décidé à corriger Modell qui l’a jeté hors de « son » club. Mais ce sont les clinquants Jets de Broadway Joe Namath qui remporte l’AFL cette année-là, et Joe lui-même va jusqu’à garantir la victoire de son équipe pourtant donnée perdante de 18 points au Super Bowl III.

La finale est un renversement complet de la hiérarchie, avec une victoire surprise 16-7 des Jets qui prouvent enfin que l’AFL peut rivaliser avec la NFL. L’année suivante, en 1969, les Chiefs de Kansas City retournent à la grande finale et affrontent les Vikings du Minnesota, champion NFL derrière les Purple People Eaters, la terrible ligne défensive menée par Carl Eller, Jim Marshall et Alan Page. Super Bowl IV voit la victoire des Chiefs 23-7, et alors que la fusion est toute proche, les deux ligues sont à égalité au niveau des grandes finales : deux partout.

Comme un symbole, les années 1960, faites d’une lutte acharnée et sans merci entre deux entités tirant pourtant dans le même sens, s’achèvent par leur fusion sans que plus personne ne trouve à y redire. Les années 1970 s’ouvrent donc sur une nouvelle ère pour le football professionnel : une ère d’unité, et de notoriété toujours grandissante.

 

La Décennie 1970

 

Une nouvelle NFL (1970-1977)

 

En 1970, la fusion des deux ligues est effective, et afin de garder les alignements, la NFL se divise en deux conférences : la National Football Conference (NFC) et l’American Football Conference (AFC). Toutes les équipes d’AFL se retrouvent en AFC, et pour équilibrer les deux conférences, quelques équipes de la NFL viennent la garnir. Chaque conférence est re-divisée en trois divisions : East, Central et West. Cela donne ce nouvel alignement :

  • NFC
    • East Division : Philadelphie, Washington, Dallas, New York Giants, Saint-Louis ;
    • Central Division : Chicago, Green Bay, Detroit, Minnesota ;
    • West Division : Los Angeles, San Francisco, New Orleans, Atlanta ;
  • AFC
    • East Division : Boston, New York Jets, Baltimore, Buffalo, Miami ;
    • Central Division : Pittsburgh, Cleveland, Cincinnati, Houston ;
    • West Division : Denver, Oakland, Kansas City, San Diego.

On se rapproche de la disposition actuelle.

La saison permet également au téléspectateur lambda de découvrir un programme qui va devenir culte : le Monday Night Football d’ABC, un match décalé le lundi soir qui se joue devant le pays entier. Cela va vite devenir un grand rendez-vous de la semaine de football, et quand ABC quittera la diffusion de la NFL en 2006, ESPN reprendra la tradition.

Dernière innovation mais non des moindres : la NFL importe la mode de l’AFL d’inscrire le nom des joueurs sur les maillots. Maintenant, tout le monde peut reconnaître aisément quel joueur a réussi une action.

Cependant, alors que le monde de la NFL se réjouit de démarrer une nouvelle ère, il apprend la disparition de Vince Lombardi, le 3 septembre. Son décès est un tel choc que le trophée du Super Bowl, qu’il a été le seul jusque-là à gagner deux fois, portera dorénavant son nom : le Vince Lombardi Trophy. On donne également des trophées aux champions de conférence, qui seront nommés en 1984 : le George Halas Trophy pour le vainqueur de la NFC, et le Lamar Hunt Trophy pour le vainqueur de l’AFC.

Les années 1970 vont être dominées dans chacune des divisions par une équipe.

  • En NFC East, les Cowboys jouent quatre Super Bowls et en remportent deux ;
  • En NFC West, les Rams atteignent un Super Bowl qu’ils perdent ;
  • En NFC Central, les Vikings du coach Bud Grant atteignent trois Super Bowls mais les perdent tous les trois ;
  • En AFC East, les Dolphins de Don Shula atteignent trois Super Bowls et en remportent deux, dont l’incroyable saison parfaite en 1972 avec 16 victoires et aucune défaite. C’est un tour de force qui reste la seule occurrence dans l’histoire de la ligue ;
  • En AFC West, les Raiders remportent deux Super Bowls ;
  • Et enfin en AFC Central, les Steelers de Chuck Noll sont l’équipe de la décennie avec quatre Super Bowls joués pour autant de succès.

Cependant, s’il faut nommer un vainqueur absolu dans la NFL pendant cette décennie, c’est la défense. Des équipes comme les Steelers et leur terrible Steel Curtain mené par Mean Joe Greene et Jack Lambert, leur rival les Raiders avec leur défense dévastatrice menée par Jack Tatum et George Atkinson ou les Rams avec leur Fearsome Foursome (photo) mené par Deacon Jones et Merlin Olsen règnent.

fearsome_foursomeElles dominent d’ailleurs à tel point que les scores baissent drastiquement, provoquant une réflexion des têtes pensantes de la NFL.

 

Avantage à l’attaque (1978)

 

La première mesure pour contrer ce phénomène arrive en fait en 1974, quand la ligue se rend compte que les matchs nuls se multiplient. La prolongation avec mort subite, comme lors du Greatest Game Ever Played en 1958, n’était valable que pendant les playoffs auparavant. La ligue décide d’étendre la règle à la saison régulière en espérant réduire les matchs nuls.

Seconde mesure, les poteaux, qui avaient été avancés sur la ligne d’en-but en 1933, sont à nouveau reculés au fond. L’arrivée de Gogolak et de sa façon de botter de côté a repoussé les limites de distance des kickers, et la ligue veut promouvoir les touchdowns. De plus, il faut dire que la présence de ces grands poteaux au niveau de la ligne d’en-but avait donné lieu a des scènes plutôt cocasses mais quelques fois dangereuses.

Les poteaux à cet endroit, il est vrai que cela peut gêner…

En 1977, deux nouvelles règles sont implémentées : le head slap, un coup porté à la tête de l’adversaire perfectionné par Deacon Jones, est interdit, et les défenseurs ne peuvent toucher un receveur qu’une seule fois dans son parcours. Avant cela, on voyait les défenseurs prendre les receveurs et les percuter constamment, allant même jusqu’à les jeter au sol sans ménagement.

Mais malgré ces modifications, en 1978, rien ne change vraiment ; la ligue, avec Don Shula à la tête du comité des règles, décide de frapper un grand coup. Deux règles cruciales pour le développement du jeu offensif sont édictées : les joueurs de ligne offensive ont désormais le droit d’ouvrir les mains pour bloquer les joueurs de ligne défensive (ils ne pouvaient que repousser avec leurs avant-bras jusque-là), et les défenseurs n’ont plus le droit de toucher un receveur après les cinq premiers yards de son parcours ; cette règle est même surnommée la Mel Blount Rule, du nom du défenseur des Steelers qui était intraitable avec les receveurs (photo).

http://www.profootballhof.com/assets/1/17/Blount_Mel_5_630.jpg?26735Ces deux modifications font bondir les défenses, et surtout celles des Steelers et des Raiders : la ligue autorise en quelque sorte le holding offensif (jusqu’à un certain point), et surtout elle retire le maximum de contact entre un défenseur et un receveur. Ce sont ces deux règles qui vont avoir le plus d’impact, ouvrant littéralement le jeu de passe ; la NFL « signe son crime » en quelque sorte lorsqu’elle ajoute un septième arbitre, le Side Judge, qui officie dans la profondeur de la défense.

Celui qui va probablement profiter le plus de ces règles, c’est le coach des Chargers Don Coryell ; il met en place Air Coryell, une attaque aérienne dévastatrice menée par le Quarterback Dan Fouts. Mais de manière assez ironique, les Steelers, qui ont eu l’impression que ces changements existaient pour affaiblir l’efficacité de leur défense, vont prouver qu’ils sont toujours capable de gagner dans ce nouvel environnement : avec un Quarterback comme Terry Bradshaw, un duo de receveurs comme Lynn Swann et John Stallworth et un duo de coureurs comme Franco Harris et Rocky Bleier, Pittsburgh sait aussi attaquer. Les Steelers remportent les deux Super Bowls des saisons 1978 et 1979 !

Les années 1970 se referment sur une ligue qui désormais compte 26 équipes : les Seattle Seahawks (dans la NFC West) et les Tampa Bay Buccaneers (dans l’AFC West) ont rejoint la ligue en 1976. La NFL est solide sur ses jambes et elle a tout juste tremblé devant la très courte World Football League qui n’a existé qu’un an et demi entre 1974 et 1975 (même si certains joueurs NFL sont partis dans cette dernière). Par le biais de matchs excitants retransmis à la télévision, le football professionnel tient enfin la première place au niveau des sports américains, et il compte bien la garder. Et qui sait… pourquoi pas s’exporter ?

 

La Décennie 1980

 

Changement de garde (1980-1981)

 

Le début des années 1980 semble promis aux Cowboys : les Steelers vieillissants lâchent enfin prise, et Dallas pense pouvoir dominer la NFC. Malheureusement pour America’s Team, les Eagles leur volent la vedette avant de perdre contre les Raiders au Super Bowl, et ensuite Dallas va subir la naissance d’une dynastie : les 49ers menés par le génial coach Bill Walsh et son duo légendaire Joe Montana-Jerry Rice. A la fin de leur carrière, ces deux-là seront considérés par la majorité comme les meilleurs joueurs de l’histoire à leur poste.

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Jerry Rice et Joe Montana

La décennie marque aussi la révolte des sans-grades des années 1970. Dallas s’efface petit à petit pour laisser sa place aux Redskins de Joe Gibbs et aux Giants de Bill Parcells menés par le phénomène Lawrence Taylor (LT); des 49ers étincelants éclipsent les Rams ; les Bears deviennent l’équipe à battre en NFC Central avec leur défense dévastatrice ; Miami est la seule équipe à encore rester en tête de sa division ; les Steelers déclinent peu à peu laissant les Browns de Marty Schottenheimer prendre les commandes, et enfin les Broncos de Dan Reeves viennent remplacer les Raiders dans le courant des dix ans.

C’est d’ailleurs la décennie des grands coachs, car entre Walsh, Parcells, Gibbs, Schottenheimer ou Reeves, il y a ce qui se fait de mieux en la matière alors que des légendes comme Landry perdent peu à peu pied dans la réalité du football moderne. Mais on va vite parler d’autre chose que des coachs : on va parler des joueurs, et pas de leur performance sur le terrain.

 

Grève et ligue concurrente (1982-1983)

 

Depuis 1968 et la reconnaissance de la NFLPA par la NFL, les discussions ont toujours été un peu tendues, menant d’ailleurs à une petite grève en 1974. Mais en 1982 cela prend une tournure plus grave, car les joueurs décident de faire une grève au bout de deux matchs afin d’avoir une plus grosse part du gâteau des recettes NFL qui a bien grossi depuis. Les négociations vont prendre deux bons mois et le football ne reprend que fin novembre, avec sept matchs supprimés au calendrier. Cette saison tronquée avec 16 équipes qualifiées en playoffs voit les Raiders déménager à Los Angeles aux côtés des Rams, et la victoire des Redskins sur les Dolphins.

Pour ajouter un peu à l’ambiance étrange, 1983 marque l’arrivée d’une nouvelle ligue concurrente à la NFL… quoique pas totalement concurrente sur la forme : un entrepreneur de New Orleans, David Dixon, pense qu’une saison de football qui va de septembre à janvier est trop réductrice ; il y a de la place pour le sport au niveau du printemps, de mars à juillet, afin de combler l’attente de fans. Cette idée est plutôt bonne : l’United States Football League (USFL) naît avec 12 équipes.

Au niveau de la NFL, 1983 est d’abord une année endeuillée par la mort de « Papa Bear » George Halas le 31 octobre, l’un des plus grands hommes du football professionnel.

C’est une année du renouveau pour certaines équipes, car la draft amène énormément de qualité : les Colts choisissent le Quarterback John Elway, les Rams choisissent le coureur Eric Dickerson, les Oilers choisissent le joueur de ligne offensive Bruce Matthews, les Bills choisissent le Quarterback Jim Kelly, les Dolphins choisissent le Quarterback Dan Marino et les Redskins choisissent l’arrière défensif Darrell Green. Tous ces joueurs finiront au Hall Of Fame, et certains, comme Marino, Elway et Kelly, vont changer le futur de leur franchise.

Enfin… Elway ne va pas changer le futur des Colts, car il engage immédiatement un bras de fer, déclarant qu’il ne veut pas jouer à Baltimore. Il finit par avoir gain de cause et part à Denver, l’équipe qu’il voulait rejoindre. Jim Kelly ne change pas non plus le futur des Bills tout de suite, puisqu’il signe avec les Houston Gamblers de l’USFL. Il n’est pas le seul : des futurs Hall Of Famers comme Reggie White, Steve Young ou de très bons joueurs comme Herschel Walker commencent leur carrière par l’USFL.

 

La NFL continue, l’USFL disparaît (1983-1986)

 

Quoiqu’il en soit, la saison NFL 1983 voit les Raiders faire encore de la résistance et détrôner les Redskins au Super Bowl XVIII grâce à leur défense et leur coureur Marcus Allen. Dan Marino, de son côté, prend l’équipe des Dolphins sur ses épaules et la guide jusqu’au Super Bowl en 1984 mais Montana lui barre la route pour le second titre des 49ers.

Cependant, l’information la plus frappante de cette année, c’est la fin d’une longue bisbille entre le propriétaire des Colts Robert Irsay et la ville de Baltimore à propos du stade… par le déménagement pur et simple de la franchise dans la nuit ! Les Colts se retrouvent à Indianapolis, et malgré les procès de Baltimore, la NFL finit par entériner la décision.

En 1985, les Bears capitalisent enfin sur la domination absolue de leur défense 46 avec les armes offensives tels que Walter Payton pour remporter le titre, avant que la NFC East se rappelle au souvenir de la ligue en 1986 : les Giants, menés par un LT inarrêtable, gagnent le titre contre des Broncos qui trouvent en Elway leur sauveur.

Pendant ce temps, l’USFL n’a duré que 3 ans. Les franchises ont dépensé sans compter pour s’approprier les stars universitaires (et de la NFL), et les managers ont fini par avoir les yeux plus gros que le ventre : menés par Donald Trump, propriétaire des New Jersey Generals, ils ont pensé que s’ils déplaçaient le calendrier de l’USFL en parallèle de celui de la NFL, cette dernière ferait comme avec l’AAFC ou l’AFL version 4 et fusionnerait les deux ligues. C’est un très mauvais calcul, car les franchises USFL déjà fragiles financièrement et partageant une ville avec un club NFL ont refusé de rentrer dans cette guerre. Mais c’était justement ce que Trump voulait : éliminer les plus faibles et avoir sa franchise en NFL.

http://www.jeffpearlman.com/wp-content/uploads/2011/04/4262795524_41e689d409.jpgCupide jusqu’au bout, Trump finit par tuer l’USFL quand il lance un procès à la NFL en 1986 pour monopole, notamment sur les droits TV. L’USFL gagne ce procès de facto sur le plan du monopole, mais le jury réfute le fait que la NFL ait particulièrement blackboulé l’USFL auprès des chaînes TV ; pire, ils jugent que la situation financière de la jeune ligue est surtout un produit de ses décisions aberrantes plus que la faute de la NFL. Donc même si l’USFL gagne le procès, elle ne reçoit que trois dollars symboliques en dédommagement. Les caisses sont alors totalement vides et la ligue suspend sa saison 1986. Les stars signent dans les clubs NFL, et l’USFL disparaît définitivement.

En NFL, 1986 voit l’arrivée d’une nouveauté : l’instant replay. Afin de s’assurer de prendre la bonne décision, un système de magnétoscopes est mis en place pour permettre à des officiels de revoir chaque action. Cela part d’une bonne intention, mais les limitations technologiques de l’époque et le fait que CHAQUE action doit être revue provoquent de longues minutes d’attente entre les actions, et le système finira par être abandonné en 1992.

 

Deuxième grève et deux départs (1987-1989)

 

1987 marque la deuxième grande grève des joueurs, car le CBA mis en place en 1982 est arrivé à expiration et les joueurs se plaignent des restrictions les empêchant de changer d’équipe. Cependant, la ligue contourne le problème en demandant à des remplaçants de prendre la place des titulaires grévistes, et on assiste alors à trois semaines de matchs entre certains titulaires qui ne font pas grève, des chauffeurs de banc et même des amateurs débauchés à droite à gauche dont personne n’a jamais entendu parler. Ces deux dernières catégories sont surnommées les Scabs (briseurs de grève).

NFLScabsLes joueurs sont mis devant le fait accompli : la ligue ne cède pas et les chaînes de télévision refusent de diffuser des matchs avec des scabs, ce qui pousse la NFLPA à demander aux joueurs de retourner sur les terrains sans un nouveau CBA. Ce mouvement provoque la dé-certification de la NFLPA qui n’est plus un syndicat mais une association, ce qui signifie qu’elle ne peut plus négocier avec la NFL au nom des joueurs. Dans la foulée, certains athlètes poursuivent la NFL en justice pour pouvoir changer d’équipe plus librement, comme par exemple Reggie White, devenu le Defensive Linemen des Eagles après son excursion en USFL.

Sur le terrain, les Cardinals déménagent de Saint-Louis à Phoenix dans l’Arizona, et les Redskins l’emportent sur les Broncos qui ont atteint leur deuxième Super Bowl de suite en éliminant les Browns à chaque fois sur des matchs haletants. 1988 et 1989 voient la domination des 49ers reprendre de plus belle avec deux victoires, la première sur les Bengals et la seconde un écrasant 55-10 sur les pauvres Broncos en 1989. Avec trois défaites, Denver et Elway ne savent pas encore qu’ils ont laissé passer leur chance et qu’il faudra attendre quelques années avant qu’ils ne retournent sur la plus grande scène du football professionnel.

Cette dernière année de la décennie voit la ligue saluer le départ de deux grands hommes du sport. Le commissioner lui-même, Pete Rozelle, véritable visionnaire qui a amené le sport à cette place de sport #1, prend sa retraite après 29 ans de service. Il est remplacé par l’avocat Paul Tagliabue (photo) qui a défendu la NFL dans cette décennie de procès divers. Comme un clin d’oeil de l’histoire, alors que Rozelle était devenu commissioner en 1960 en même temps que Tom Landry devenait coach des Cowboys, l’homme au fedora quitte lui aussi ses fonctions d’entraîneur, définitivement dépassé par le jeu moderne.

Mais alors que les équipements NFL entrent dans une nouvelle ère avec le plastique de seconde génération pour les protections et les casques, les Cowboys aussi entrent dans une nouvelle ère au début des années 1990.

 

La Décennie 1990

 

L’arrivée de la free agency (1990-1995)

 

Avec un changement de propriétaire (Jerry Jones) et d’entraîneur (Jimmy Johnson), les Cowboys draftent intelligemment et remportent trois Super Bowls en quatre ans derrière une attaque dominée par les Triplets : le Quarterback Troy Aikman, le coureur Emmitt Smith et le receveur Michael Irvin. Les Bills sont l’équipe de la décénnie dans l’AFL, le coach Marv Levy ayant Jim Kelly dans une attaque de feu et Bruce Smith dans une défense de fer. Buffalo atteint les quatre premiers Super Bowls des années 1990, mais malheureusement ils les perdent tous : contre les Giants en 1990, les Redskins en 1991 puis les Cowboys en 1992 et 1993.

Smith, Aikman, Irvin

En 1993 justement, un nouveau bouleversement intervient dans la ligue. Rappelons que depuis 1986, la NFLPA n’est plus un syndicat mais une association, laissant les joueurs poursuivre eux-mêmes la NFL. Le CBA n’existe plus depuis cette époque, et c’est à ce moment que les discussions reprennent sérieusement sur un sujet particulier, la free agency, c’est-à-dire la capacité pour des joueurs de pouvoir changer d’équipe plus facilement.

Reggie White est devenu en quelque sorte le porte-drapeau de cette cause car c’est son procès contre la NFL qui a fait le plus de bruit à l’époque. Le 6 janvier 1993, les discussions semblent enfin arriver à une entente entre la ligue (avec à sa tête Paul Tagliabue) et les joueurs (avec à leur tête Gene Upshaw, l’ancien Guard des Raiders) : un nouveau CBA va être signé, ouvrant la free agency à tous les joueurs avec plus de cinq ans de carrière dans la NFL. Ce nouveau CBA crée plusieurs termes qui sont devenus familiers de nos jours : franchise tag et transition tag (possibilités de retenir le joueur un an ou de le laisser partir avec compensation) mais surtout le salary cap, la somme totale que les équipes ne peuvent pas dépasser en salaires sur une année.

ReggieWhitePackersPour ne pas faillir à son rôle d’exemple de cette lutte, White est le premier à profiter de la nouvelle free agency en signant pour une franchise des Packers qui compte bien redevenir une force après des années de disette. « Le Ministre de la Défense » comme on le surnomme mène une liste de 120 joueurs qui changent d’équipe entre le 1er mars et le 15 juillet de la même année. La ligue rentre dans une nouvelle ère : une ère de contrats, de calculs financiers complexes, et d’une certaine équité dans le fait que les joueurs ne sont plus attachés à une seule équipe toute leur carrière (et si c’est le cas, c’est d’un commun accord).

Mais il faut un peu de temps avant que le système ne porte ses fruits, et les champions qui suivent l’ouverture de la free agency ne sont pas très différents. Les Cowboys rajoutent un deuxième titre contre les Bills en 1993, le fantasque Steve Young (qui a remplacé la légende Montana) mène les 49ers à leur cinquième titre contre des surprenants San Diego Chargers en 1994, et les Cowboys rajoutent un trophée Lombardi en 1995 pour devenir la dynastie de la décennie, en battant des Steelers qui ont renoué avec leurs traditions.

 

La NFL s’exporte en Europe (1995-1996)

 

L’année 1995, justement, apporte son lot d’annonces : tout d’abord, la ligue présente la renaissance d’un projet. Cela faisait quelques années que la NFL cherchait à s’exporter, et elle avait fini par créer en 1991 la World League of American Football (WLAF), une sorte de ligue de printemps pour futurs talents. Cette ligue était composée d’équipes américaines, mexicaines et européennes, et le modèle de championnat intercontinental n’avait pas tenu bien longtemps, provoquant l’arrêt de la WLAF.

C’est en 1995 que la ligue décide de relancer l’idée en faisant une ligue exclusivement européenne avec des équipes en Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni et Espagne. C’est la naissance de la NFL Europe, une ligue « mineure » par laquelle certains joueurs NFL vont passer et qui va vivre jusqu’en 2007.

La seconde annonce de 1995 est un coup de tonnerre : encore pour une histoire de vétusté de stade, Art Modell annonce le déménagement des Cleveland Browns à Baltimore pour remplacer les Colts partis ! C’est un tollé gigantesque pour tous les fans et les anciens joueurs ; la NFL finit par promettre que les Browns récupèreront une nouvelle franchise un peu plus tard et garderont leur histoire à Cleveland.

C’est d’ailleurs l’année du déménagement : les Houston Oilers partent à Tennessee, les Raiders reviennent à Oakland et les Rams vont à Saint-Louis, ces deux dernières franchises effaçant d’un seul coup la présence de la NFL à Los Angeles.

http://i.dailymail.co.uk/i/pix/2007/12_04/shulaL3012_468x605.jpgLa troisième annonce est une retraite : Don Shula (photo) se retire des terrains avec un record inhumain, 347 victoires en tant que coach.

La dernière annonce consiste en l’arrivée de deux nouvelles franchises pour porter le total à 30 équipes NFL (si l’on compte la disparition des Browns). La saison 1996 voit donc les Baltimore Ravens remplacer les Cleveland Browns dans l’AFC Central, et les deux nouvelles franchises arrivent : les Carolina Panthers (en NFC West) et les Jacksonville Jaguars (en AFC Central). Ces deux équipes vont connaître un rapide succès car elles ont accès à un pool de joueurs talentueux entre la draft et les vétérans libérés par la free agency. Elles vont même jusqu’à atteindre toutes les deux la finale de leur conférence respective en 1996 !

Mais ils vont buter sur une franchise historique sur le retour et une autre qui commence seulement à écrire un brillant futur.

 

De vieilles connaissances de retour (1996-1999)

 

Depuis 1993, les Packers poussent mais ratent la dernière marche derrière leur Quarterback fantasque Brett Favre et leur super receveur Sterling Sharpe. 1996 va être la bonne année quand ils battent les Panthers et accèdent au Super Bowl face aux Patriots de Drew Bledsoe qui battent les Jaguars. Green Bay remporte le match 35-21 et ramène enfin le trophée Lombardi à la maison, 29 ans après le dernier. Les Patriots, eux, sentent qu’après des années d’inconstance notoire (malgré un Super Bowl déjà perdu en 1985), ils ont enfin quelque chose de très solide sur lequel construire.

Brett Favre & John Elway

C’est ensuite au tour de John Elway de gagner ce titre qui lui a longtemps échappé dans les années 1980 ; les Broncos l’emportent en 1997 (contre les Packers) et 1998 (contre d’étonnants Falcons) avant qu’Elway ne prenne sa retraite, le Graal enfin atteint. Pour terminer la décennie, les Rams de Saint-Louis viennent de nulle part derrière leur Quarterback ancien emballeur en magasin, Kurt Warner, pour remporter le titre avec l’attaque la plus explosive jamais vue surnommée The Greatest Show On Turf.

C’est également en 1999 que deux autres « vieilles connaissances » refont surface : la première, c’est la renaissance des Cleveland Browns qui réintègrent l’AFC Central ; la division devient la seule à 6 équipes avec Tennessee (devenus les Titans), Pittsburgh, Baltimore, Jacksonville, Cincinnati et Cleveland. La seconde vieille connaissance revient à la suite de deux gigantesques erreurs arbitrales pendant la saison 1998. Ces deux erreurs ont eu de terribles implications : un touchdown « fantôme » offert aux Jets à la dernière minute contre les Seahawks a éliminé ces derniers de la course aux playoffs, et un fumble de Jerry Rice récupéré par les Packers n’a pas été signalé sur le drive de la victoire de San Francisco au premier tour des playoffs.

La ligue décide donc de réinstaurer l’instant replay, mais en encadrant ses effets pour ne pas rééditer les erreurs de 1986. Seules certaines actions peuvent être revues à la vidéo, et cette fois ce ne sont pas les arbitres mais les coachs qui peuvent le demander en jetant un petit mouchoir rouge sur le terrain.

Red Challenge FlagChaque coach a droit à 2 challenges par match. Le système est toujours en place, avec un 3e challenge ajouté si le coach a eu raison sur les deux premiers.

Enfin, la ligue voit avec amusement une nouvelle ligue concurrente, l’eXtreme Football League (XFL) durer un an. Cette création de Vince McMahon, le président de la WWE (le catch américain), est plus portée sur la liberté des règles que sur la qualité du jeu, ce qui fait vite tomber les audiences.

http://content.sportslogos.net/logos/24/1151/full/5308.pngNotons tout de même que certains joueurs, comme le MVP de la seule saison le Quarterback Tommy Maddox, ira faire quelques belles choses en NFL.

 

La Décennie 2000

 

La dynastie des Patriots (2000-2004)

 

Le sport continue d’évoluer dans les années 2000. Technologiquement tout d’abord, avec enfin la mise au placard de l’ignoble astroturf et son remplacement par le fieldturf, une surface bien plus confortable faite d’herbe, de sable et de petits morceaux de caoutchouc sur trois couches.

N’importe quel fan ou joueur d’aujourd’hui qui n’a pas connu l’astroturf et qui découvre cette surface se demande encore comment les joueurs ont pu évoluer et prendre des plaquages dessus (sans compter le nombre de blessures qu’elle a créées aux articulations par sa traction supérieure à l’herbe).

Sur le terrain ensuite, la décennie démarre sur l’avènement de la dynastie des Patriots de New England qui s’est lentement bâtie après le succès de 1995 ; mais le duo est totalement inattendu puisqu’il est formé d’un coach ancien protégé de Bill Parcells qui s’était raté aux Browns, Bill Belichick, et d’un Quarterback oublié de (presque) tous et pris au sixième tour de la draft en 2000, Tom Brady. Cette association semblant bancale au départ va pourtant mener les Patriots vers trois titres en quatre ans (2001, 2003 et 2004) ; le premier est marqué par le fameux match de la Tuck Rule contre Oakland en finale AFC, où une règle obscure permet aux Patriots de survivre dans le match, et le deuxième par une finale d’anthologie contre les Panthers de Carolina.

http://www3.pictures.zimbio.com/gi/Tom+Brady+Bill+Belichick+New+England+Patriots+MRiMeeQ_T64l.jpg

Entre temps, les Ravens (2000) et les Buccaneers (2002) inscrivent leur nom au palmarès grâce notamment à deux défenses de fer.

Mais surtout, la création des Houston Texans en 2002 permet enfin à la ligue d’atteindre le nombre de 32 équipes. De ce fait, la NFL réorganise ses divisions en créant huit divisions de quatre équipes chacune :

  • AFC :

    • East : New England, New York Jets, Buffalo, Miami ;
    • North : Baltimore, Pittsburgh, Cincinnati, Cleveland ;
    • South : Indianapolis, Jacksonville, Tennessee, Houston ;
    • West : Denver, Oakland, Kansas City, San Diego ;
  • NFC :

    • East : Dallas, New York Giants, Washington, Philadelphie ;
    • North : Green Bay, Chicago, Detroit, Minnesota ;
    • South : New Orleans, Atlanta, Carolina, Tampa Bay ;
    • West : San Francisco, Saint-Louis, Arizona (ancien Phoenix), Seattle.

 

Les anciens grands noms reviennent au sommet (2005-2009)

 

De 2005 à 2009, d’anciennes grandes équipes renouent avec la victoire.

Les premiers sont les Steelers du Quarterback Ben Roethlisberger qui redeviennent Super Bowl Town en ajoutant deux titres (2005 contre Seattle et 2008 contre Arizona) à leur palmarès, le plus fourni en matière de trophées Lombardi avec six.

En 2006, le phénomène Quarterback des Colts Peyton Manning fait enfin taire les rumeurs sur son inaptitude à gagner en playoffs en remportant le titre (le premier depuis que la franchise a déménagé à Indianapolis) contre les Chicago Bears.

http://www4.pictures.zimbio.com/gi/David+Tyree+FILE+Best+Super+Bowl+XLII+n0mXjqOD_aul.jpgSon petit frère Eli Manning ne sera pas en reste, puisque le Quarterback des Giants remportera le Super Bowl l’année suivante contre des Patriots qui chassent la perfection en ayant perdu aucun match de la saison ; ils arrivent avec un record de 18-0 au Super Bowl malgré le scandale de Spygate dans lequel ils ont été punis pour avoir filmé les signaux des équipes adverses. Les G-men l’emportent au terme d’un match haletant dont l’image marquante restera cette réception sur le casque improbable de David Tyree sur le drive de la victoire.

Une seule équipe parviendra à écrire pour la première fois son nom au palmarès du trophée Lombardi : les Saints du Quarterback Drew Brees en 2009.

Cette période voit également un changement de commissioner : Paul Tagliabue se retire pendant l’été 2006 et il est remplacé par un de ses assistants, Roger Goodell. Elle note enfin le début des International Series en 2007 : la NFL s’exporte à Londres pour un match par an.

 

La Décennie 2010

 

Premier lockout : les joueurs (2010-2011)

 

Si le début de mandat de Goodell (photo) se passe plutôt bien pendant la fin des années 2000, il va sérieusement se corser dès le début des années 2010, avec deux lockouts ou grèves patronales de suite : celui des joueurs en 2011 et celui des arbitres en 2012.

Roger GoodellRevenons un peu en arrière : le CBA signé « en catastrophe » par Tagliabue en 2006 (pour déjà éviter un lockout à l’époque) contient une clause qui permet aux parties de se retirer de celui-ci dès 2008. N’étant pas satisfaits de l’accord, les propriétaires ne se font pas prier, et les joueurs font de même en 2010 pour ne pas créer un lockout complet. De ce fait, la saison 2010 a bien lieu, mais elle ne possède pas de salary cap.

Sur le terrain, cette saison un peu bizarre voit le retour au premier plan d’une franchise historique : les Green Bay Packers du Quarterback Aaron Rodgers remportent un quatrième Super Bowl et un treizième titre, reprenant leur patronyme de Titletown dans une finale symbolique contre Super Bowl Town, les Pittsburgh Steelers.

http://www4.pictures.zimbio.com/gi/Aaron+Rodgers+Super+Bowl+XLV+wlXBI18iyoDl.jpgMais la fête sera de courte durée pour la NFL, car il n’y a plus de CBA en place. Les deux parties (propriétaires via la NFL & et joueurs via la NFLPA) ne parviennent pas à trouver un accord à temps pour empêcher le lockout : les propriétaires interdisent donc aux joueurs de participer à la saison 2011. En réaction, la NFLPA renonce à ses droits de négociation (comme en 1987), ce qui permet à certains joueurs de se liguer afin d’intenter une action en justice pour monopole abusif. Le jugement est en leur faveur : la juge Susan Nelson déclare que la NFL a conspiré pour desservir les joueurs et doit reprendre ses activités.

S’en suit une période de trouble où on se demande si la saison va avoir lieu, comment et à quelle date. Fort heureusement, les deux parties finissent par se mettre d’accord en juillet pour signer un nouveau CBA. Les joueurs obtiennent plus de revenus pour les retraités, une plus grande sécurité dans la pratique du sport, un calendrier qui reste à 16 matchs, un plancher salarial et des effectifs plus grands. Les propriétaires obtiennent une échelle des contrats rookies qui étaient devenus trop lourds à gérer dans le salary cap, des revenus augmentés avec une meilleure répartition entre les petits et gros marchés, la fin de tout procès envers eux et le fait de ne pas rembourser l’année 2010 sans salary cap.

La saison 2011 a donc bel et bien lieu, et les Giants remportent un second titre après celui de 2007, encore une fois contre les Patriots. Mais la NFL tombe de Charybde en Scylla : après la saison 2011 survient un nouveau litige, avec la NFLRA cette fois, l’association des arbitres.

 

Deuxième lockout : les arbitres (2012)

 

En effet, il existe également un CBA entre la NFL et ses arbitres, qui ne travaillent qu’à mi-temps pour la ligue (ils ont tous un travail à côté). L’ancien datait de 2005 pour une durée de sept ans, et la NFLRA souhaitait le renégocier un an avant son terme, mais le lockout de 2011 avec les joueurs a empêché cela. Le CBA va donc à son terme et il faut en négocier un nouveau en 2012.

Les négociations n’aboutissent pas, et en juin la même sanction tombe : lockout des arbitres, qui sont interdits d’officier en NFL. Mais à la différence des joueurs, qui sont indispensables pour avoir une compétition valable, la saison n’est pas compromise car la NFL menace de mettre en place des replacement referees, ou arbitres remplaçants.

Malgré les plaintes de la NFLRA qui accuse la NFL de galvauder la saison avec des remplaçants, la menace est mise à exécution : la saison 2012 démarre avec des arbitres qui officient normalement dans des matchs lycéens ou universitaires de niveau inférieur ; les arbitres universitaires principaux étant pris par le championnat majeur de NCAA.

Même si les doutes étaient déjà présents pendant la pré-saison, il ne faut qu’une semaine de saison régulière pour se rendre compte que le jeu professionnel dépasse les remplaçants, même si la majorité du blâme est dirigée vers la NFL et la NFLRA pour les avoir mis dans une situation impossible. Les erreurs s’accumulent lentement lors des trois premières semaines sans qu’une issue ne semble en vue, jusqu’à ce qu’il arrive ce qui devait arriver : une énorme controverse à la fin d’un match de premier plan diffusé devant le pays entier.

Les Packers de Green Bay mènent 12-7 chez les Seahawks de Seattle lors du Monday Night Football de la semaine 3 ; il reste 8 secondes à jouer et Seattle a la balle sur les 24 yards de Green Bay en 4e&10. Le Quarterback Russell Wilson envoie une passe haute dans l’en-but (une Hail Mary) et ce qui suit amène la confusion : le receveur des Seahawks Golden Tate pousse fermement le Cornerback Sam Shields dans le dos (pénalité évidente non sifflée) puis saute et conteste la balle au Safety M.D. Jennings. Jennings semble avoir les deux mains sur la balle et Tate une seule, après quoi les deux retombent par terre. Deux arbitres se précipitent : le premier fait le geste du touchdown et le second fait le geste d’arrêter l’horloge pour démêler la situation. Le manque de communication entre les arbitres ajoutent à l’indécision générale, et finalement un arbitrage vidéo est demandé. A la surprise de beaucoup, il valide le touchdown très controversé, créant une vague d’indignation chez les observateurs et cimentant la place de la Fail Mary (appelé aussi Touchception) parmi les actions « légendaires » du sport.

https://i.pinimg.com/originals/d8/5b/11/d85b11291f62dc853a8465fb9821b1db.jpgSeattle l’emporte 14-12, et qu’on soit d’accord ou non avec la décision finale, la preuve est que le manque de professionnalisme (malgré eux) des arbitres remplaçants vient d’exploser au visage de la NFL. Sans surprise, quelques jours plus tard, on apprend que la NFL et la NFLRA se sont mis d’accord sur un nouveau CBA, et que les arbitres titulaires peuvent retourner sur le terrain dès la semaine 4.

Dans le nouveau CBA, les arbitres conservent leur plan épargne retraite actuel (contre un moins avantageux que la ligue voulait mettre en place) et leur salaire est revu à la hausse. La ligue gagne le droit de commencer à développer des arbitres à plein-temps et rémunérés comme il se doit.

Cette saison sera improbable du début à la fin puisqu’elle se termine par un Super Bowl assez particulier : non seulement il met aux prise les Baltimore Ravens et les San Francisco 49ers dont les deux coachs sont frères (John Harbaugh des Ravens et Jim Harbaugh des 49ers), mais en plus le match est interrompu plus d’une demi-heure par une panne de courant. Baltimore l’emporte finalement 34-31, gagnant son deuxième titre et infligeant la première défaite des 49ers au Super Bowl.

 

Une ligue attaquée de toute part (2013-)

 

Mais il sera dit que les années 2010 seront placées sous le signe de la controverse en dehors du terrain. Les scandales de violence domestique comme ceux de Ray Rice, Adrian Peterson, Ray McDonald ou autres et surtout la réponse trop tardive et/ou insuffisante de la NFL projettent une très mauvaise image, poussant la ligue à revoir complètement son code de conduite et surtout le processus et les sanctions disciplinaires.

Il y a également le fait que la NFL a longtemps nié les effets des chocs et commotions à répétition sur la santé des joueurs pendant et après leur carrière, créant des problèmes cérébraux et mentaux très graves : Alzheimer, Parkinson, dépression ; plusieurs suicides de joueurs comme Ray Easterling, Dave Duerson ou Junior Seau finissent par dévoiler au grand public une maladie appelée CTE ou Encéphalopathie Traumatique Chronique en français.

http://2.bp.blogspot.com/-9cWgv-IhlYM/VoCeMqxBJLI/AAAAAAAABYQ/cLHdhr135Rc/s1600/concussion.jpgPlusieurs joueurs avaient intenté un procès à la NFL sur le fait qu’elle savait, demandant des dédommagements, et la ligue ne peut plus nier l’évidence ; elle met en place de nouveaux protocoles pour mieux détecter les commotions et interdire les joueurs de retourner sur le terrain ainsi que de nouvelles règles pour éviter un maximum les chocs à la tête. Mais le diable est sorti de la boîte, et il reste à voir si le spectre de telles séquelles influencera les parents de potentiels futurs joueurs NFL.

Enfin, il y a un nouveau scandale lié aux Patriots : Deflategate, ou la découverte pendant la finale AFC 2014 que Tom Brady jouerait avec des ballons moins gonflés que la limite autorisée, ce qui aiderait à leur tenue. Cet épisode, aller-retour judiciaire interminable entre les deux parties suite à un rapport controversé, est une nouvelle épine dans le pied de Goodell.

Mais pourtant, malgré tout cela, la ligue continue de prospérer car les gens ne peuvent se passer du football : la draft est devenue un véritable événement télévisuel dont l’audience explose, la NFL continue de faire un carton à Londres (avec plusieurs matchs par an), les contrats TV sont de plus en plus lucratifs (gonflant le salary cap chaque année) et le sport semble indéboulonnable de sa place de #1 dans le coeur des Américains.

NFLInternationalCar la dramaturgie du terrain, elle, reste : les Seattle Seahawks se servent de leur défense féroce et d’un jeu au sol efficace pour remporter leur premier Super Bowl en 2013 en broyant 43-8 les Broncos de Peyton Manning qui est parti d’Indianapolis en 2012. Seattle refait une saison excellente en 2014 mais rate le doublé d’un cheveu lors de la finale : Russell Wilson est intercepté à un yard de l’en-but par le Cornerback des Patriots Malcolm Butler, sécurisant le quatrième titre de Patriots qui reviennent sur le devant de la scène après deux échecs en 2007 et 2011.

Peyton Manning prend sa revanche sur 2013 au bout de la saison 2015, ou plutôt c’est la défense terrible de Denver qui permet au Shérif de remporter son deuxième Super Bowl 24-10 contre les Carolina Panthers.

À suivre…

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